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V. – HISTOIRE DU TARIF ACTUEL DES DOUANES.

Quand bien même l’origine de ces abus se perdrait dans la nuit des temps, ce ne serait pas une raison pour qu’on les respectât : nous sommes à une de ces époques où toute institution subit un jugement solennel ; les choses ne sont respectables, dans ces temps sévères qu’en raison de ce qu’elles valent intrinsèquement. Avoir duré plus ou moins, avoir eu plus ou moins d’utilité, ne leur est plus compté, si ce n’est pour l’histoire ; mais le régime protecteur ; tel qu’il est formulé dans nos lois, n’a pas même à nos égards les titres que donne l’ancienneté. C’est un parvenu qui a fait son chemin à la faveur de la révolution, non par ses vertus, mais par ses intrigues, en exploitant les passions publiques et les préjugés dominans. Le tarif des douanes de l’ancien régime n’est pas purement fiscal ; depuis Colbert particulièrement, il avait la prétention de protéger l’industrie nationale, mais il y mettait de la vergogne. En 1790 et 1791, quand la constituante le révisa et le refondit, elle le rendit uniforme et régulier : uniformité et régularité, c’était ce qui lui manquait le plus. Cependant, pour quiconque a lu le tarif de 1791 et celui de l’époque antérieure, le tarif actuel est une nouveauté. Dans ses dispositions fondamentales, c’est l’œuvre de deux gouvernemens qui étaient en guerre avec toute l’Europe, qui, aimaient à y être, et qui jetèrent dans la législation douanière la violence de leur humeur belliqueuse. Le gouvernement de la première république et l’empire sont les inventeurs de ce luxe de prohibitions par lequel se distingue le tarif français, et ces prohibitions mêmes, c’est la guerre qui les inspira par manière d’hostilités. Le tarif de 1791 n’avait qu’un petit nombre de prohibitions, pour la plupart fiscales ou de police, plutôt que commerciales. Ainsi, pour l’intérêt ou la commodité du fisc, on écartait le sel marin, les cartes à jouer, le tabac en feuilles autrement qu’en boucauts. Le salpêtre, la poudre à tirer étaient prohibés par mesure de sûreté générale. En fait de tissus, il n’y avait de prohibées que les étoffes avec argent ou or faux ; c’était afin d’éviter des tromperies au consommateur français. Par raison d’hygiène, on prohibait les médicamens composés. Je ne vois dans le tarif de 1791 que deux prohibitions sérieuses qui aient de l’analogie avec celles qui abondent dans le tarif actuel ; celle de la verrerie et celle des navires[1]. Le tarif de 1791 mettait une sorte de

  1. L’huile de poisson de pêche étrangère était prohibée lorsqu’elle venait de tout autre pays que les États-Unis, ce qui était une exception large. On supposait que c’était une question de puissance maritime. L’huile des États-Unis était imposée à 12 fr. les 100 kil. Aujourd’hui le même article paie 40 francs par navires français et 56 francs par navires étrangers.