Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/1023

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plupart des autres[1], la franchise n’eût été que conditionnelle : il eût fallut que l’importation eût lieu par mer et sous pavillon français ; c’était une manière de favoriser la navigation française. Le gouvernement proposait enfin que les navires pussent être construits en entrepôt ; de sorte que les matériaux qui entrent dans la construction de nos bâtimens de commerce n’eussent à payer aucun droit. Ce projet de loi eût trouvé grace devant des gens de sang-froid même peu sympathiques pour la liberté du commerce ; l’esprit réformateur, pour gagner sa cause, s’y faisait tout petit ; mais c’était une brèche faite à la protection, et puis on manquait de respect pour la prérogative des forges ; car l’immunité accordée pour la construction des navires se fût appliquée à quelques articles en fer, barres, tôles, clous, câbles[2]. Aux yeux de nos protectionistes, le projet ; était donc sacrilège. La commission de la chambre des députés, nommée sous leur influence exclusive, le mutila pour la plus grande gloire de la protection, et elle motiva sa manière d’agir dans un rapport qui mérite de rester comme une pièce historique. C’est un monologue de l’intérêt privé en contemplation devant lui-même, l’égoïsme s’érigeant, sans pudeur en maxime d’état. Une assemblée au sein de laquelle on soutenait des thèses pareilles, avec une approbation presque unanime, avait évidemment le vertige : elle devait misérablement trébucher au premier piége qui lui serait tendu. Ce fut ainsi en effet, qu’elle termina sa triste carrière, à peu de mois d’intervalle, le 24 février 1848.


VI. – RAISONS TIREES DE LA POLITIQUE GENERALE ET DE L’ETAT DE NOS FINANCES POUR ABANDONNER LE SYSTEME PROTECTEUR.

Il y a déjà long-temps que le procès du système protectioniste est instruit ; voilà près d’un siècle qu’Adam Smith et Turgot ont démontré l’inanité de ses prétentions. En tant que doctrine, c’est jugé comme l’est le phlogistique pour les chimistes, l’astrologie pour tous les hommes de quelque éducation. Néanmoins, les hommes, fort nombreux dans

    plomb et de cuivre, le son, les soies écrues, la pierre ponce, le tartre brut, les os, cornes et sabots de bétail, le plâtre, les résidus de noir animal. La plupart de ces articles n’ont pas de similaire à l’intérieur, ou, s’ils en ont, l’entrée du similaire étranger ne gênerait en rien le producteur français.

  1. Sur les 299 articles, il y en avait 185, soit les deux tiers, dont la franchise restait conditionnelle, savoir, 53 qui n’étaient admis que par terre ou sous pavillon français s’ils arrivaient par mer, et 162 qui ne devaient jouir de la franchise qu’en venant par mer et sous pavillon français. 113 seulement étaient affranchis dans tous les cas ; dans ce nombre étaient les yeux d’écrevisse, les vipères, les os de cœur de cerf, les dents de loup, les cloportes desséchés et autres articles du tarif empruntés au vocabulaire des baladins et des sorcières, et dont personne ne fait commerce.
  2. La quantité de fer sur laquelle eût porté cette immunité n’eût été que la deux-centième partie de la production de la France.