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publics. Parmi les ministres, les ambassadeurs, les sénateurs et les députés les plus distingués, il en est peu qui ne se soient pas essayés dans la poésie. Quant aux études historiques et géographiques, elles comptent encore peu d’adeptes au Brésil. À part quelques histoires partielles de provinces telles que celle de M. le vicomte de Saô-Leopoldo, on ne peut citer, pendant ces dix dernières années, que le Plutarque brésilien, de M. Pereira da Silva le Dictionnaire géographique du Brésil, par MM. Lopes de Moula et Milliet, et surtout l’œuvre lente, mais curieuse, de l’Institut historique et géographique de Rio de Janeiro, qui compte dans son sein tout ce qu’il y a d’illustre ou d’instruit au Brésil ; cette grande association recueille et fait imprimer à ses frais dans une revue trimestrielle, tous les matériaux anciens et modernes qui serviront un jour à raconter l’histoire complète de l’empire.

On le, voit, ces indices d’activité intellectuelle donnent lieu d’avoir quelque confiance dans l’avenir du Brésil. Les habitans de ce grand pays commencent à comprendre que ce n’est pas le choc continuel des révolutions qui favorise le progrès, et généralement ils se rallient aux vues sages et libérales de dom Pédro II. La politique a donc, dans cet empire, des allures plus calmes que celles qu’elle affecte communément dans les autres états de l’Amérique méridionale, où toutes les ambitions rivales sont sans cesse aux prises. Si, long-temps entraînées par une pente fatale, les factions n’ont été que trop portées à arborer sans réflexion, dans le Nouveau-Monde, l’étendard de la révolte, grace au ciel ; il n’en est plus de même aujourd’hui, surtout au Brésil ; là, les intérêts individuels commencent à se grouper autour du chef de l’état, et l’amour de la patrie pousse des racines de plus en plus vivaces dans le cœur des populations. Ces haines qui soufflaient la vengeance entre compatriotes s’éteignent à mesure que l’instruction publique pénètre dans le fond des provinces. Les partis, plus, éclairé, ont des principes mieux définis, qu’ils avouent, et dont leur conviction, ne demande désormais le triomphe qu’à des moyens légaux. Le Brésil aime et comprend ses institutions ; et le gouvernement de l’empire se trouve en présence d’un mouvement de progrès qui facilite singulièrement sa tache, comme on va s’en convaincre, du moins dans la sphère purement morale et politique.


II

Découvert en 1500 par Alvarès Cabrai, le Brésil se peupla insensiblement, et comme par rafales, d’aventuriers portugais qu’y jetait le vent d’est, comme naguère le vent d’ouest avait poussé leurs frères sur les puissans empires de l’Asie : race entreprenante et fougueuse, pour laquelle des combats étaient des jeux, et qui, à l’exemple des conquérans romains, ne se reposait jamais tant qu’il lui restait quelque chose à faire. Il semblait même que le ciel prît plaisir à caresser leur humeur batailleuse, en leur suscitant sans cesse des ennemis dignes de leur courage. C’étaient tantôt les Français, tantôt les Bataves républicains, tantôt les indigènes indépendans. Le Portugal, à proximité des côtes africaines, recevait annuellement à cette époque de nombreux convois de nègres, qu’il réduisait en esclavage. L’idée lui vint de diriger le superflu de