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nouvel ordre. Ni les protectionistes ni les peelites ne voulaient entrer seuls au pouvoir, et ils ne voulaient pas davantage y entrer soit les uns avec les autres, soit les uns ou les autres avec lord John Russell. En cet embarras, la reine a mandé le duc de Wellington dont le grand sens pratique et la haute expérience sont toujours au service de l’état. Ce suprême conseiller des cas difficiles a jugé tout de suite que puisqu’on avait tant de peine à tourner soit en avant, soit en arrière, le plus sûr était encore de ne point bouger et de rester comme on était. Telle est l’autorité dont cette glorieuse vieillesse jouit toujours sur l’esprit public que l’expédient, si sommaire qu’il dût paraître, n’en a pas moins été accepté sans murmure. Les mêmes ministres qui, le 22 février, avaient résigné leurs fonctions, parce qu’ils n’avaient plus la confiance des communes, les ont derechef acceptées le 3 mars sans qu’il fût intervenu le moindre changement soit dans les dispositions du parlement, soit dans le personnel du cabinet. On a senti qu’il y avait là une nécessité de cir constance, et aussitôt qu’elle a été constatée par le duc, on s’est soumis. On ne croyait pas le moment propice pour faire une dissolution qui donnât une autre chambre, et les partis n’étaient pas prêts pour donner un ministère qui fît une autre politique et une autre majorité. Il a fallu s’en tenir à ce qu’on avait, faute de pouvoir rien mettre à la place ; c’est, à ce qu’il semble aujourd’hui. le lot universel en Europe.

Lord Stanley s’est en effet récusé au nom des protectionistes avec une candeur qui ne laisse pas de compromettre un peu l’opinion qu’on aurait pu se former des ressources du parti, à le voir si acharné dans ses poursuites. De l’aveu même de son chef, le parti n’était point en état de fournir un cabinet. Lord Stanley avait bien sous la main un leader tout trouvé pour les communes, M. Disraeli quoique celui-ci eût l’inconvénient d’être à la fois et un homme nouveau, selon le vieux sens du mot, dans une cause tout aristocratique, et peut être aussi un nouveau venir dans les rôles tout-à-fait sérieux. Cet unique second ne suffisait point au leader de la chambre haute. Après avoir encore cherché parmi ses amis, il a fallu renoncer à combattre par manque de combattans : l’un était trop modeste, l’autre trop occupé de ses intérêts domestiques, plusieurs trop novices dans les affaires d’état. Nous reproduisons la propre confession de lord Stanley, qui n’est pas dépourvue d’une franchise significative. Restait une autre combinaison : les anciens collègues de Robert Peel, sir James Graham, lord Aberdeen, qui ne pouvaient pas s’unir à un cabinet protectioniste, étaient évidemment plus rapprochés des whigs actuels que des débris mal refondus de l’ancien torysme ; mais sir James Graham et lord Aberdeen, dans les explications qu’ils ont, comme lord Stanley, apportées à la tribune, ont manifesté leur insurmontable aversion pour cette malencontreuse campagne commencée par la lettre à l’évêque de Durham et terminée par le bill des titres ecclésiastiques. Lord John Russell étant inévitablement très mal à l’aise pour dégager son avenir ministériel des suites de cette entreprise, ou n’a point voulu s’associer à sa restauration. Quant à recommencer sans Robert Peel un ministère peelite, il n’y fallait point penser ; c’était l’homme, on s’en souvient, qui était tout dans cette politique, parce qu’il n’avait point de parti (c’est lui qui a disloqué les anciens partis en Angleterre), mais seulement ses idées et ses volontés.