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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/142

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ne pourra pas créer de diocèses en Angleterre sans le consentement de la reine ; ou bien, d’un autre côté, il faut que vous déclariez que vous ne voulez d’aucun arrangement de cette nature, que vous ne voulez, en aucune façon, donner aucune autorité à la religion catholique en Angleterre ; mais alors il faut que vous laissiez l’autorité spirituelle du pape absolument sans restriction. Vous ne pouvez pas la restreindre sans un contrat. Il n’y a aucune loi possible qui puisse priver le pape d’une influence qui est exercée simplement sur les esprits, ou l’empêcher de donner des avis à ceux qui jugent convenable de les suivre. Il est parfaitement clair que vous n’avez aucun moyen d’empêcher le pape de communiquer avec les catholiques de ce pays. Vous pouvez essayer d’empêcher la publicité de ces communications, mais je crois qu’il serait absurde à vous de prendre des mesures sévères à cet effet. Si les communications ne sont pas ouvertes, elles seront secrètes. Aussi long-temps qu’il y aura des catholiques dans ce pays, et aussi long-temps qu’ils reconnaîtront le pape pour chef de leur église, vous ne pourrez pas empêcher qu’il exerce une influence spirituelle sur ceux qui sont de sa communion. »

C’est ainsi que s’exprimait, dans un jour de meilleure inspiration, le ministre qui a dernièrement fait une déclaration si insultante envers le pape et tous les catholiques de la Grande-Bretagne. Nous ajouterons que la conduite du gouvernement anglais à l’égard de la cour de Rome est d’autant plus impolitique, qu’il est forcé lui-même de reconnaître qu’il a besoin du pape pour gouverner l’Irlande : il est, en de fréquentes occasions, obligé de négocier avec lui ; mais, au lieu de le faire ouvertement, il est réduit à recourir à de la diplomatie déguisée, et à traiter le pape comme une puissance de contrebande. Il serait donc superflu de justifier le pape d’avoir offensé gratuitement le gouvernement anglais. Ni le pape ni la reine d’Angleterre ne se connaissent ; ils s’ignorent. L’un des deux est de ce monde, l’autre n’en est pas. La reine Victoria n’a sans doute pas la prétention d’instituer des évêques catholiques, et comme le pape n’a pas fait autre chose, il n’a touché en rien à la suprématie royale. Nous sommes rassuré aussi sur les mesures que le gouvernement ou le parlement pourrait vouloir prendre pour empêcher ou punir l’exécution de la lettre apostolique. Quand on défendrait aux évêques de porter leurs titres, les catholiques ne les en reconnaîtraient pas moins.

C’est à un autre point de vue que nous voulons considérer ici le sens et les conséquences du dernier acte du saint-siège. Dans notre opinion, cet acte hardi n’est qu’un des accidens de la grande lutte engagée dans toute l’Europe entre l’église et l’état. Pour en bien apprécier toute la portée, il importe donc de connaître quels sont actuellement les rapports du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel dans