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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/145

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moment que la division éclata dans l’épiscopat. Il y eut d’un côté le primat, docteur Crolly, avec l’archevêque de Dublin, docteur Murray, et une douzaine de prélats, et de l’autre l’archevêque de Tuam, docteur Mac-Hale, l’évêque de Meath, docteur Cantwell, puis O’Connell et le parti du rappel. Pendant que le docteur Crolly déclarait « que les changemens apportés dans la mesure lui paraissaient satisfaisans, et qu’il était décidé à faire l’épreuve loyale des académies nouvelles, » le docteur Cantwell écrivait, de son côté, au fils d’O’Connell : « Cette détestable mesure a été rendue pire encore par ses amendemens. J’espère que les catholiques d’Irlande, sous la conduite de votre illustre père, ne se relâcheront point de leurs efforts pour délivrer leur pays de ce dangereux fléau. » Quelque temps après, le bill était voté par le parlement, et le gouvernement nommait un conseil dans lequel entraient cinq protestans, deux dissidens et quatre catholiques, dont l’archevêque de Dublin, au moment même où l’archevêque de Tuarm fulminait contre les collèges une nouvelle philippique. La position était donc à peu près la même que dernièrement en France, lorsque, dans la discussion sur la loi d’enseignement, on voyait d’un côté M. de Montalembert, plusieurs évêques et l’Ami de la Religion appuyer le projet de M. de Falloux, combattu d’un autre côté par M. l’évêque de Chartres et par l’Univers.

Les évêques d’Irlande en référèrent naturellement au saint-siège ; chaque parti fit valoir ses argumens. La cour de Rome, avec sa prudence habituelle, ne se hâta point de décider, et d’ailleurs la réalisation du plan du gouvernement anglais exigeait plusieurs années. Le jugement du saint-siège resta donc long-temps suspendu sur les collèges mixtes sans tomber ; le pape se borna à recommander aux évêques l’abstention, et cet état de choses se prolongea jusqu’à l’année 1850.

Pendant cet intervalle, il s’était passé certains événemens qui avaient fortement altéré les rapports du gouvernement anglais avec la cour de Rome. Après la part plus ou moins directe prise par l’Angleterre aux révolutions d’Italie, le saint-siège n’avait plus de ménagemens à garder, et dès ce moment nous le verrons, pour ainsi dire, pousser sa pointe en Irlande, comme il vient de le faire en Angleterre.

Le premier acte par lequel il manifesta son intervention directe dans les affaires d’Irlande fut des plus significatifs. L’archevêque primat d’Armagh, le docteur Crolly, venait de mourir. Il était, comme nous l’avons dit, le chef du parti modéré dans le clergé, et le choix de son successeur allait devenir un indice des tendances et des préférences de la cour de Rome. Habituellement les évêques catholiques en Irlande sont nommés à l’élection, c’est-à-dire que le clergé du diocèse qui est à pourvoir présente au choix du saint-siège une liste de trois noms. À l’occasion de l’archevêché d’Armagh, la cour de Rome prit une résolution