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masse, c’est marcher à une indifférence plus fatale aux intérêts de la vraie religion que ne le seraient les plus violentes controverses… Nous faisons donc appel au clergé et au peuple d’Irlande. Si vous voulez montrer votre respect envers le père commun des fidèles, si vous voulez écouter la voix de vos pasteurs réunis dans l’assemblée la plus auguste qu’ait jamais tenue notre église nationale, si vous voulez ne pas abandonner, pour la première fois dans votre histoire, un clergé qui, dans toutes les fortunes, vous est resté fidèle, si vous voulez que la jeunesse d’Irlande ne soit point corrompue par cette science du monde qui n’inspire que l’orgueil, qui ébranle la foi, trouble la société et renverse le trône et l’autel…, alors cet appel n’aura pas été fait en vain. »

Ce manifeste fut signé par ceux mêmes des évêques qui s’étaient associés à l’établissement des collèges mixtes, mais qui étaient prêts néanmoins à se soumettre au jugement de Rome. L’épiscopat avait été divisé, dans le synode, en deux parts presque égales, car, aussitôt après la clôture de l’assemblée, treize évêques, en tête desquels l’archevêque de Dublin, docteur Murray, signèrent une pétition adressée au saint-siège, dans laquelle ils demandaient que les collèges mixtes ne fussent pas condamnés sans une plus longue épreuve.

La question en est là pour le moment. Treize évêques sur vingt-huit ont intercédé auprès de la cour de Rome en faveur des collèges. Ce sont ceux qui ont leurs sièges dans les principales villes ; ils craignent que, malgré les injonctions du clergé, les jeunes gens de la classe moyenne ne persistent à profiter des facilités que leur offrent les établissemens du gouvernement ; ils craignent aussi que l’appel fait au peuple d’Irlande pour la fondation d’une université libre ne soit pas entendu. On a bien pu passionner les classes populaires pour un rêve national, comme le rappel ; on les passionnera plus difficilement à propos d’une académie.

Le parti exclusivement catholique, d’un autre côté, est beaucoup plus populaire que le parti politique : il a pour lui le clergé des campagnes, qui exerce une influence sans bornes sur la population ; il a pour lui les sympathies de la cour de Rome, parce qu’il est ce que nous appellerions en France le parti ultramontain. Aussi est-il fort, probable que la décision du saint-siège sera en sa faveur, et le primat, docteur Cullen, a dernièrement publié une lettre pastorale dans laquelle il condamne formellement les collèges et traite fort sévèrement les évêques qui les tolèrent encore :

« Je sais, dit-il, qu’il a été fait des tentatives pour diminuer l’effet des salutaires avertissemens du concile de Thurles, et que certains mémoires anonymes ont été industrieusement répandus pour troubler l’esprit public. Cela n’a aucune valeur et ne peut avoir aucun effet durable. Les avertissemens du synode sont clairs et décisifs, et en pleine conformité avec les rescrits du siège apostolique. Tous les parens catholiques ont été mis en garde contre les dangers