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étrangers, pour empêcher cette exportation du numéraire, et la même demande se renouvelle à chaque commotion politique : les étrangers n’ont le droit de faire le commerce que dans les ports de la côte ; s’ils sont tolérés à Aréquipa, c’est que l’on considère cette ville comme l’entrepôt d’Islay, son port de mer.

La province d’Aréquipa envoie dans l’intérieur du pays des vins capiteux et des eaux-de-vie très estimées, que l’on travaille dans les vallées de la côte, Pisco, Moquegna, Vittor, etc. Pour l’exportation à l’étranger, elle fournit de l’argent en barre, de l’or en poudre et en lingots, du salpêtre, du quinquina (qui vient du fond de la Bolivie), et des laines. Les laines viennent de la sierra et sont fournies par quatre espèces d’animaux, le mouton, le llama, l’alpaka, la vigogne. La laine de mouton est de la qualité des laines ordinaires d’Espagne, celles du llama et de l’alpaka sont plus fortes et plus communes. Celle de la vigogne est sans exagération aussi belle que la laine de cachemire ; j’en ai vu des échantillons d’une admirable finesse. Je m’étonne qu’on n’ait pas cherché à naturaliser en France la vigogne et le llama. Les herbages et la température des Pyrénées, des Alpes, des montagnes d’Auvergne, leur conviendraient parfaitement. Le llama est devenu un animal domestique. Quant aux vigognes, du temps des Incas, on les parquait comme des moutons, et ici j’en ai vu deux qui couraient dans les rues et jouaient avec les enfans. Ces animaux sont d’un caractère timide et fort doux. Ce serait un grand cadeau à faire à nos manufactures de drap que d’importer les vigognes en France, et rien ne serait plus facile. L’on peut facilement réunir à Aréquipa un troupeau de cent vigognes qui seraient embarquées au mois de juillet, l’hiver d’Amérique, et qui arriveraient en France vers les mois d’octobre ou de novembre. La France néglige trop d’ailleurs ses relations avec le Pérou. Elle envoie à Aréquipa des soieries, des tulles, des cotonnades, des vins, des sucres ; mais presque tous ces objets rencontrent une redoutable concurrence dans les mêmes marchandises de fabrication anglaise.

Je ne voulais point m’arrêter à Aréquipa sans faire connaissance avec les hommes importans de l’endroit. On me présenta aux autorités civiles et militaires qui ressemblent aux fonctionnaires de tous les pays à constitution ; ces messieurs parlaient volontiers politique américaine. Le préfet, qui venait d’être fait général d’emblée par le président Gamarra, répétait assez volontiers que le meilleur gouvernement était celui du sabre. Il était curieux de savoir ce que l’on pensait à Paris du président Gamarra. Je n’osai lui répondre qu’à Paris on ne connaissait guère le Pérou qu’à l’état de proverbe. Je vis ensuite le général Nieto, le chef de l’opposition militaire constitutionnelle et le plus grand obstacle aux projets que l’on attribuait au président Gamarra, qui le