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dans les délibérations les plus approfondies, les monarchistes ont non-seulement servi, mais constamment défendu la république, tandis que les républicains modérés, fréquemment surpris, découragés, ont manqué trop souvent de prévoyance avant le péril, de présence d’esprit pendant la lutte, de fermeté après la victoire, laissant au premier occupant les postes de la résistance, puis s’étonnant du voisinage qui en résultait ; abdiquant aux jours de crise le gouvernement des choses et des hommes, s’indignant ensuite que les choses et les hommes dépassassent ou contrariassent leurs vues. Injustes envers nous par défaut d’être justes envers eux-mêmes, ils prenaient, sans s’en apercevoir, leur faiblesse pour notre crime. — Voilà le spectacle auquel nous assistons depuis deux ans : de loin, il semble inexplicable ; vu de près, il doit inspirer des réflexions sérieuses et tourner en méditation pour le pays tout entier.

Le lendemain du 24 février, les hommes monarchiques se sont trouvés dans une des situations les plus délicates et les plus pleines d’angoisses qu’il soit donné d’imaginer. Accepter la république, c’était paraître céder à la peur ; la rejeter, c’était prendre le moment d’un accès de fièvre chaude pour parler raison à un malade. Accepter la république, c’était, sans s’en douter, devancer M. Caussidière et se jeter dans la tentative, toujours vaine, de faire l’ordre avec le désordre ; la rejeter, c’était placer sous leur jour le plus faux les motifs de la résistance et les argumens de la controverse. Cette controverse, d’ailleurs, n’avait pas surgi des dernières barricades : elle date de soixante années ; au lieu d’une insurrection renaissante, c’était peut-être une révolution près de finir ; cela valait la peine d’être examiné de sang-froid.

Trois époques fondamentales, en effet, ont profondément divisé, en France, les hommes politiques : 89, 1814 et 1830.

En 89, la convocation des états-généraux fut saluée d’unanimes acclamations. Les électeurs (au nombre de six millions déjà) avaient rédigé et sanctionné des formules, dont la plupart ne suscitaient aucune contestation. Les noms de la noblesse figurent en tête de toutes les grandes mesures de la période pacifique de la révolution, et je ne prétends pas abuser ici de ce que M. de Lafayette était marquis : non ; je veux convenir, au contraire, qu’il était en dehors de ses pairs, que son séjour en Amérique l’avait placé, d’un bond, à l’avant-garde des idées transatlantiques, où il ne devait être rejoint que plus tard ; mais les représentans consentis de l’aristocratie française, MM. de Clermont-Tonnerre, de Lally-Tollendal, de Lameth, de Castellane, de Castries, de Cazalès, le duc de Liancourt, le duc d’Ayen, occupent un rôle éminent en arrière de M. de Lafayette, et, bien qu’à titres divers, en tête de l’assemblée constituante.

Où commença donc la rupture entre les idées de 89, qui étaient celles de la presque totalité des Français, et ce qu’on a depuis appelé