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Il voulut rédiger une proclamation aux Parisiens ; mais il ne trouvait ni plume, ni papier, ni encre, et ce fut M. le vicomte de Puységur, représentant du Tarn, qui parvint à découvrir, dans le cabinet de M. Buchez absent, tout ce qui manquait à M. Sénard pour appeler au secours de la république. Cependant cette réunion de quelques représentans, se disposant à protester contre l’émeute, avait besoin d’assurer au moins la sécurité de l’étroite enceinte dans laquelle elle était groupée. On apercevait de la fenêtre, dans les jardins de la présidence, un bataillon de garde mobile. Ce furent encore des députés appartenant à la même fraction parlementaire que M. de Puységur qui, accompagnés d’un officier dont je regrette de ne pas connaître le nom, allèrent haranguer les jeunes gardes mobiles. MM. de Dampierre, de Kerdrel et un troisième représentant ayant accompli cette tâche, rendue très facile par l’excellent accueil du bataillon, s’en reposèrent sur M. Sénard et sur les quelques représentans qui l’entouraient, pour la rédaction des documens officiels. Gagnant, à travers les jardins de la présidence, alors encombrés d’ouvriers et de matériaux, le quai qui fait face aux Champs-Élysées, ils rencontrèrent M. Wolowski, beau-frère de M. Faucher, debout sur le mur de clôture du jardin, appelant des gardes nationaux à la défense de l’assemblée ; ils se joignirent à lui. Dans toute la longueur du quai, depuis l’esplanade des Invalides jusqu’au péristyle du Palais-Bourbon, les gardes nationaux commençaient à affluer. Les mots : « L’assemblée ne se laissera point dissoudre, l’assemblée se reconstitue à l’hôtel de la présidence, l’assemblée se fera tuer plutôt que de quitter Paris ! » ces mots prononcés au hasard par quatre ou cinq représentans inconnus suffisaient pour électriser la garde nationale et déterminer cette reprise de possession que la France entière allait applaudir ; il en fut de même jusqu’à l’Hôtel-de-Ville inclusivement.

Lorsque M. de Lamartine et M. Ledru-Rollin, enlevés pour ainsi dire du fond du Palais-Bourbon par les flots de la garde nationale, résolurent d’aller à sa tête poursuivre les fugitifs de la rue de Bourgogne qui essayaient de redevenir factieux au-delà du Pont-Neuf, le cortège des républicains de la veille fut aussi clair-semé près d’eux qu’il l’avait été près de M. Sénard. Tout Paris put voir, sans avoir le loisir de se rendre compte de ce singulier symbole, MM. de Lamartine et Ledru-Rollin marchant à cheval sur l’Hôtel-de-Ville, ayant d’un côté l’un des plus chevaleresques amis de Mme la duchesse d’Orléans, le marquis de Mornay, et de l’autre un légitimiste notoire.

Comment un tel rôle avait-il été abandonné, pour ainsi dire sans concurrence, à des hommes qu’on aurait dû mieux entourer alors ou moins attaquer depuis ? En peut-on induire que les absens de la lutte étaient secrètement parmi les instigateurs du mouvement ? Hélas ! rien