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gravés sous la fenêtre la plus élevée de Montal, sont bien faits d’ailleurs pour exciter au dernier point la curiosité que toute habitation déserte inspire. Il faut être très indulgent pour les légendes ; ces amoureuses histoires que les rêveurs prêtent aux ruines sans annales, sur lesquelles planent l’incertitude et le mystère, ont toujours quelque chose de touchant, et je plains ceux qui les dédaignent. Montal devait avoir sa ballade, la voici, et pas un habitant du centre de la France ne permettra qu’on en conteste l’authenticité. — Rose de Montal aimait le sire de Castelnau, et le sire de Castelnau aimait Rose de Montal ; mais il partit pour l’armée, et au retour la tendresse du beau sire sembla refroidie, ses visites devinrent plus rares. Tristement accoudée à la fenêtre la plus haute du château de son père, la belle Rose passait ses jours les yeux mélancoliquement fixés sur la route de Castelnau. Son malheur était plus grand encore qu’elle ne pensait ; bientôt elle apprit que son amant lui était infidèle. D’abord elle refusa de le croire, elle l’aimait tant ! mais, hélas ! un matin qu’elle était à son observatoire, elle vit passer au loin, se dirigeant vers Bretenoux, une brillante cavalcade : le sire de Castelnau allait épouser Laure de Montmirail ; il conduisait à l’autel sa jeune fiancée. — Plus d’espoir ! s’écria Rose, et elle se jeta par la fenêtre. — On grava pieusement sur la pierre les dernières paroles de l’infortunée, et le souvenir de son amour, conservé d’âge en âge, fait encore rêver toutes les jeunes filles des environs ; il inspire même de tendres élégies aux plus doctes personnages.. M. Delpon, ancien député, dans un ouvrage statistique et sérieux sur le Lot, publié il y a peu d’années, oublie ses chiffres en parlant de Montal, et il s’écrie douloureusement : « Ce château inspire moins d’intérêt par ses sculptures variées à l’infini que parce qu’il vit la mort d’une amante délaissée, après avoir retenti de ses tristes soupirs. » Quant aux annuaires du département, ils jettent chaque année des fleurs sur cette tombe, qui donne un reflet romanesque à l’histoire du pays. Il faut que je mette un terme à ces sanglots. Rose de Montal est morte à quatre-vingts ans, entourée de ses enfans, de ses petits-enfans, et le plus paisiblement du monde. Qu’on se le dise. Elle avait épousé François des Cars, baron de Merville, grand sénéchal de Guyenne, et, en raison de cette alliance, cette famille a porté depuis accolées à ses armes les armes de Montal. -Voilà ce que j’ai trouvé dans les parchemins de la Bibliothèque nationale, où je cherchais, pour l’offrir aux lecteurs de la Revue, la légende de Rose. J’en suis bien fâché pour le Lot ; mais cela est ainsi. L’histoire ne se fait jamais faute de jouer de pareils tours à ces ballades naïves qui plaisent à tous, qui ne nuisent à personne, et qu’elle ne remplace pas.

Au reste, s’il faut en juger par les myriades d’inscriptions au crayon ou au canif qui émaillent les murs de Montal, ces murs, à défaut des