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d’Isabelle, on n’a point oublié que Rodil, Mina, Valdès avaient successivement échoué ; et qu’était-ce que Cordova ? C’était un homme neuf dans la guerre, fait pour s’identifier énergiquement avec une cause nouvelle qui n’était ni l’absolutisme pur, ni le libéralisme de 1812 et 1820. Qu’était-ce qu’Espartero lui-même, qui devint général en chef en 1836 et qui a terminé la lutte ? C’était un simple brigadier au commencement de la guerre, dont le rôle s’était borné sous Ferdinand à prendre part à l’expédition d’Amérique, et qui n’avait point figuré encore dans le mouvement des partis. Je sais bien qu’il s’est développé par degrés dans la guerre civile espagnole d’autres caractères ; notamment cet antagonisme entre les généraux connus sous le nom d’ayacuchos, à la tête desquels était Espartero, et les jeunes généraux qui grandissaient sous le feu de l’ennemi ; mais ce fait lui-même, si je ne me trompe, ne prouve-t-il pas qu’en dehors des coteries comme en dehors de ceux qui prenaient leurs illusions constitutionnelles pour de l’habileté militaire, il existait une masse jeune, énergique, pleine de vie, qui devenait le point d’appui naturel, la force principale de la monarchie d’Isabelle ? C’est de là que sont sortis les plus vaillans officiers de l’armée espagnole contemporaine, les Coucha, les Diego Léon, les Narvaez ; parcourez ces bulletins, qui ont été trop prodigués parfois, vous trouverez leurs noms animant cette guerre et s’attachant aux plus sérieux et aux plus brillans combats.

Ce qui est à remarquer, c’est que la plupart de ces officiers venaient de la garde royale, où il serait à supposer que don Carlos eût dû trouver plus d’adhérens. Narvaez lui-même, je l’ai dit, avait d’abord servi dans ce corps. C’est en qualité de capitaine de chasseurs au régiment de la Princesse qu’il reprend son rang en 1834 dans les opérations actives contre l’insurrection carliste. On le voit successivement, durant deux années, prendre part à tous les engagemens de ces divisions de l’armée du nord employées à la plus ingrate des luttes. À la bataille de Mendigorria, qui a été un des faits d’armes les plus éclatans de cette guerre, Narvaez, à la tête d’un bataillon du régiment de l’infant, forçait le pont de la ville de Mendigorria, défendu par quatre bataillons ennemis. À l’attaque des lignes d’Arlaban, il recevait une assez grave blessure, et il était déjà signalé comme un des premiers officiers de l’armée.

On avance vite dans les guerres civiles, même quand on ne se décerne pas soi-même les grades, comme cela est arrivé plus d’une fois au-delà des Pyrénées. En 1836, Narvaez se trouvait en possession du grade de brigadier, qui est le premier degré du généralat en Espagne, et il commandait à ce titre une division sous les ordres d’Espartero, qui venait d’être nommé général en chef. Une des qualités qui distinguaient Narvaez dans cette vie active et forte, outre une bouillante intrépidité, c’était une extrême sévérité militaire, une vigueur de