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voulait que cette faute fût tout au plus pressentie : je n’ai pas besoin de dire pourquoi…

Au second acte, le père Remy veut partir et emmener sa fille ; la Grand’Rose, bonne et compatissante, s’obstine à le garder, car il n’est pas encore en état de faire une longue route. Sylvain n’a pu voir Claudie sans l’aimer : témoin de sa fierté, qui éloigne jusqu’à la pensée même d’un outrage, il a résolu de lui donner son nom, de la prendre pour femme ; mais, aux premières paroles qu’il lui adresse, elle le repousse bien loin, et lui répond qu’elle ne veut pas se marier. Vainement il la presse de questions, vainement il cherche à deviner son secret ; et quand, à bout de patience, il lui fait part de ses soupçons, soupçons injurieux qui ne sont pas nés dans son cœur, qu’il a recueillis parmi les chuchotemens de la veillée, d’un mot Claudie lui ferme la bouche : « De quel droit m’interrogez-vous ? de quel droit voulez-vous savoir ma vie passée ? Est-ce moi qui demande à porter votre nom ? C’est à Dieu seul que je dois compte de ma vie, car je ne mendie la pitié ni le pardon de personne. » Sylvain se désespère, s’emporte, et maudit Claudie ; les métayers, les moissonneurs arrivent et confirment les soupçons de Sylvain ; c’est à qui jettera le premier le mépris et l’outrage à la face de la pauvre fille. Remy exaspéré retrouve la force qu’il avait perdue et emmène son enfant. Tout ce second acte est très bien conduit, sauf quelques scènes, qui n’ont peut-être pas toute la rapidité qu’on pourrait souhaiter. Malheureusement, il n’émeut pas autant qu’il devrait le faire, parce qu’en plusieurs parties il forme double emploi avec le premier ; le lecteur me comprend à demi-mot : si Ronciat n’eût pas parlé au premier acte, les soupçons de Sylvain nous étonneraient avant de nous effrayer.

Au troisième acte, la Grand’Rose, qui a vu le fils de son métayer étendu dans la grange comme un corps sans vie, et deviné l’unique moyen de le sauver, ramène Remy et Claudie. Elle est partie sans consulter personne, et, sûre que la pauvre fille mérite plus de pitié que de colère, elle fait bravement tête à l’orage ; elle essaie de prouver au père Fauveau qu’en refusant de l’accepter pour bru il tue son fils, que Claudie peut seule sauver Sylvain d’une mort certaine. Le père Fauveau résiste avec le bon sens obstiné d’un paysan habitué à voir dans un passé sans tache la garantie d’un avenir sans reproche. Enfin arrive Ronciat, qui fait la cour aux écus de la Grand’Rose. Alors commence une scène très habilement conçue, et conduite d’un bout à l’autre avec une rare finesse. La Grand’Rose, qui connaît le crime de Ronciat, lui déclare sans détours qu’elle ne sera jamais sa femme, et qu’il doit une réparation à Claudie, s’il ne veut pas demeurer le dernier des misérables ; Denis Ronciat, qui a ses dettes à payer, ne se