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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/555

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sont restées vivaces et obstinées au travail, et cette année même, le rapporteur du concours des antiquités nationales, M. Lenormand, pouvait dire avec raison que ce concours montait « comme le flot d’une marée chaque année plus formidable, » et que l’Académie devait considérer « si le nombre des médailles dont elle dispose était suffisant pour tant d’efforts et des résultats si considérables. »

Les efforts sont grands en effet, et la production très active, car ce n’est point exagérer les chiffres que de porter à deux cent cinquante, année moyenne, le nombre des monographies locales, non compris les travaux dispersés dans les mémoires des sociétés savantes et les recueils périodiques. Le mouvement est général sur tous les points du territoire, et, dans des spécialités même restreintes, ce mouvement est fécond. Ainsi, pour la numismatique, en ce moment la France ne compte pas moins de trois cents amateurs qui collectionnent, et sur ce nombre il y en a cinquante qui écrivent ou qui ont écrit, et vingt qui écrivent activement. Nous ne parlons pas des maîtres de la science parisienne, MM. de Saulcy, Duchalais, de Longperrier, etc., mais seulement des numismates de province. MM. Lecointre-Dupont à Poitiers, Barthélemy à Rennes, Rigollot à Amiens, Lefebvre à Abbeville, Cartier à Amboise, de La Goy à Aix, Hermant à Saint-Omer, Vollemier à Senlis, Ramé en Bretagne, Lambert à Bayeux, Fillon à Bourbon-Vendée, ont publié de très estimables travaux, et Clermont est, avec raison, aussi fier de son boulanger numismate, M. Mioche, que Nîmes de son boulanger poète, M. Reboul.

Les archéologues en province ne sont ni moins nombreux ni moins actifs que les numismates. Le mouvement a commencé, surtout en ce qui touche l’archéologie nationale, par la Normandie, et MM. de Gerville, de Caumont, Le Prévost en ont été les véritables promoteurs. Chacun, dans cette spécialité même, a pris une spécialité distincte, en s’attachant toujours à quelque province ou à quelque ville ; mais, par malheur et à force de particulariser, on est arrivé aux infiniment petits : après avoir fait plusieurs volumes sur un seul monument, on a fait des volumes sur un clocher, de gros articles sur de petites cloches, des mémoires sur des sonnettes de sacristie, témoins MM. Eloy Johanneau, Vergniaud Romagnesi et A. Dufaur de Pibrac. La faute, du reste, n’en est pas seulement aux érudits, mais bien aussi au comité des Arts de Paris, qui a encouragé les études microscopiques en leur attribuant une importance exagérée. Cette réserve faite, il est juste de reconnaître qu’il s’est produit d’excellentes choses, et comme preuve il suffit de jeter les yeux sur les travaux de M. F. de Vernheil à Nontron, l’abbé Texier à Clermont, Le Prévost à Évreux, Duval et Jourdain à Amiens, Mallet en Auvergne, Deville à Alençon, Voiliez à Beauvais, l’abbé Greppo à Belley, l’abbé Godard dans la Nièvre. Il y a là un ensemble d’études sérieuses, désintéressées, et qui méritent d’autant plus d’éloges qu’elles ont été poursuivies avec persévérance, sans le secours des bibliothèques et des grandes collections de la capitale, sans les encouragemens du gouvernement, sans les fanfares de la critique.

L’histoire locale proprement dite est bien autrement féconde encore. Les bons livres, de ce côté, sont relativement plus rares ; mais, dans ces dernières années, le progrès dans le bien a été très sensible. En confiant à un certain nombre d’élèves de l’école des chartes la garde des archives des départemens, on a attaché aux recherches locales des hommes jeunes, dévoués, pourvus d’une méthode excellente, et déjà plusieurs d’entre eux ont dignement payé