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une armée de dix-huit mille hommes capables de se tenir en ligne contre une armée régulière. Ces volontaires, qui avant lui ne pouvaient rester trois jours sans rentrer dans leurs villages, sous prétexte d’aller changer de chemise, et qui d’ailleurs n’avaient aucun engagement qui les forçât au service, il les disciplina, si bien qu’il les maintenait une année entière hors de leurs demeures, et fusillait comme déserteurs ceux qui s’étaient absentés sans permission. Sans argent, sans magasin, sans arsenal, il était parvenu à équiper trente bataillons et six escadrons, à créer des ateliers d’armes, à établir des fabriques de poudre, à fondre même des canons. Pour opérer tous ces prodiges, les provinces insurgées ne lui avaient pas fourni plus de 80 mille francs par mois en moyenne. Il avait enfin obligé le gouvernement de Madrid à dégarnir les provinces du sud et de l’est pour grossir l’armée de Navarre, forte de cinquante mille hommes. Deux levées extraordinaires avaient été décrétées pour renouveler cette armée épuisée par les combats et par les fatigues ; et, comme si tous ces efforts et ces sacrifices ne suffisaient pas contre un homme à qui deux ans auparavant on retirait la conduite d’un régiment, l’intervention étrangère allait être sollicitée.

Voilà quelle était la situation le 13 avril 1835, lorsque le ministre de la guerre Valdès vint remplacer Mina dans le commandement de l’armée de Navarre, muni de pouvoirs et de ressources extraordinaires. Comme Rodil, le général Valdès voulait en finir d’un seul coup, et, comme Rodil, il se dirigea sur les Amescoas, pour forcer Zumalacarregui dans son repaire. Zumala n’était pas dans les Amescoas : il s’y rendit, avec six bataillons seulement, pour répondre aux défis de son adversaire ; mais cinq autres bataillons étaient échelonnés de manière à pouvoir venir à son aide au premier signal. Le plan de Valdès était d’agir contre l’insurrection à la tête de toutes ses forces, de détruire les hôpitaux et les magasins des carlistes, et de ne jamais se laisser détourner de sa direction pour aller au secours des garnisons bloquées. C’était à peu près le plan de Saarsfield et Valdès avait tant de raisons de compter sur le succès, qu’il écrivit au général Harispe, à Bayonne, de se préparer à recueillir à la frontière les débris des insurgés.

Valdès s’avança donc de Vittoria, le 20 avril, avec vingt-huit bataillons, sur les Amescoas par le port de Contrasta. Villaréal, qui se trouvait là avec deux bataillons carlistes, se replia aussitôt sur Zumalacarregui, posté plus loin, au col de Zudaire, qui conduit des Amescoas à Estella. C’est dans cette région montagneuse que le général carliste attendait Valdès à sa sortie des Amescoas. L’armée de la reine quitta Contrasta le 21 au matin, se dirigeant à travers la Basse-Amescoa vers le plateau qui se trouve au haut de la sierra d’Andia, de