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proximité de Canton et sa situation à l’embouchure du fleuve Ché-kiang semblaient lui assurer un grand avenir politique et commercial. C’était un excellent poste d’observation, et le plénipotentiaire anglais pensait que les navires européens le préféreraient tôt ou tard au mouillage de Whampoa. Ces espérances ne se sont pas complètement réalisées : le climat a décimé les régimens ; l’entrepôt de Hong-kong a ris un certain développement, mais il n’a point détourné le courant de marchandises qui, depuis longues années, avait l’habitude de remonter le Ché-kiang. Sur les rochers de cette île déserte, la Grande-Bretagne, à force de persévérance et d’argent, est parvenue à fonder une ville européenne, Victoria ; elle y a dépensé tout son génie d’organisation coloniale. Cependant, lorsque les négocians ont pu comparer cette position avec celle de Chusan que les troupes anglaises ont dû abandonner en 1847, après le paiement intégral de la rançon de guerre stipulée dans le traité, il y a eu bien des hésitations, bien des regrets, et certains casuistes conseillaient à la couronne d’Angleterre de garder Chusan sous le facile prétexte que l’article relatif à l’ouverture de la ville intérieure, de Canton n’avait pas encore reçu pleine, et entière exécution. Le cabinet anglais n’a point suivi les conseils de la foi punique, et nous croyons qu’il a été sagement inspiré : les conquêtes de la fore ne sont durables et fécondes qu’à la condition de se contenir elles-mêmes et de se légitimer par la modération. En Chine surtout, il faut savoir attendre.

Quant aux quatre ports, sir Henry Pottinger a choisi ceux qui, en raison de leurs anciennes relations avec l’Europe et de leur voisinage des centres de production, présentaient les meilleures chances d’avenir, c’est-à-dire, en commençant par le nord, Shanghai, Ning-po, Foo-chow-fou et Amoy. Ces quatre points d’ailleurs, échelonnés sur la côte, pouvaient être considérés comme les avant-postes d’où la civilisation européenne devait se répandre à la fois dans les provinces les plus riches et les plus populeuses du Céleste Empire : c’étaient là les premières étapes de la conquête, désormais pacifique, à laquelle toutes les nations de l’Occident étaient conviées à prendre part. L’expérience des huit années qui viennent de s’écouler a donné tort ou raison aux premiers choix du plénipotentiaire anglais. En désignant Shanghai, sir Henry Pottinger a eu la main heureuse. Le commerce anglais dans ce port a atteint, dès 1847, la valeur de 61 millions, dont 24 à l’importation et 37 à l’exportation. Situé sur la rivière W’oosung, affluent du Yang-tse-kiang, de ce fleuve magnifique qui traverse la Chine de l’est à l’ouest, qui communique, par d’innombrables canaux, avec toutes les parties de l’empire et que les navires du plus fort tonnage pourront un jour remonter jusqu’à Nankin, Shanghai reçoit dans ses riches magasins les denrées agricoles de la province du Kiang-sou et les produits manufacturés de Sou-tchou, ville célèbre en Chine par le nombre et la distinction de ses diverses branches d’industrie. Il a déjà supplanté en partie Canton pour l’échange des soies de Chine et des cotons de l’Inde, et son importance commerciale, favorisée par les dispositions bienveillantes que les Européens ont jusqu’ici rencontrées au sein de sa population, s’accroît chaque année, à mesure que les produits étrangers agrandissent les rayons de leur débouché. — Le port d’Amoy, sur la côte de la province du Fokien, semble également devoir répondre aux espérances que l’on avait conçues. C’est d’Amoy que partent ces nombreuses et entreprenantes colonies d’émigrans qui, en dépit des lois chinoises, peuplent successivement