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sur une défensive si vigoureuse contre les empiétemens avoués ou présumé du pouvoir exécutif ? n’est-ce pas en l’honneur de la vertu spartiate qu’on a si sévèrement rogné les festins et réduit les équipages présidentiels ? Avec la meilleure intention du monde, avec le penchant le plus sympathique pour les illustres censeurs qui ont à tout prix voulu cette réforme, nous n’avons rien de mieux à dire de leur entreprise et de leur triomphe, sinon que la république leur tenait évidemment bien au cœur, et que voilà sans doute une conversion aussi merveilleuse que pas une. À qui la faute, si le compliment leur paraît médiocre ?

Au 10 décembre, on avait l’ame partagée entre deux impressions, toutes deux négatives : on n’osait pas la monarchie ; on n’aimait pas la république. C’était à coup sûr une situation pénible pour le for intérieur, mais en même temps si explicable, vu les circonstances accomplies, qu’il n’y avait pas de honte à la subir franchement. Laquelle de ces deux impressions s’est assez transformée pour être devenue quelque chose d’affirmatif, pour fournir au besoin une règle de conduite positive ? M. de Falloux paraîtrait incliner à penser que, puisque les hommes monarchiques se sont dévoués, tout le temps nécessaire pour une expérience complète, au protectorat stérile de l’institution républicaine, ils ont quelque droit maintenant à reprendre le libre usage de leurs vieilles affections. M. de Falloux s’est donc tenu bien en dehors du monde depuis sa regrettable maladie, car ce qui arrive, c’est le contraire de son hypothèse ou de son désir. Les hommes monarchiques vont aujourd’hui de plus belle à la république, ils la traitent au sérieux, ils en parlent le langage, et s’exaspèrent contre tout ce qui leur semble, à tort ou à raison, rappeler la monarchie. J’entends bien que ce zèle anti-monarchique est à l’adresse spéciale d’une situation individuelle qui ne leur plaît pas ; je me demande seulement si ce déplaisir devrait être assez gravé pour les pousser si avant sur un terrain qui n’est pas le leur, et les engager derechef, — en février 1851, — dans la pratique républicaine dont ils avaient cru opportun de faire pénitence en décembre 1848.

Et notez qu’il faut accueillir et que nous accueillons de bonne foi ce revirement soudain pour très véridique et pour très loyal. Nous sommes tout-à-fait persuadés qu’il n’y a point là de calcul hypocrite, qu’il n’y a point par exemple quelque grande audace monarchique sous cette affectation de préférences républicaines, qu’en un mot on ne joue pas à la république contre le président pour servir dans l’occasion les anciens intérêts dynastiques ; qui ne voudraient point, nous le savons être servis de cette marnière-là. Non, les choses politiques se mènent plus simplement qu’on se le figure toujours à distance ; il n’y a pas là en permanence de ces profonds calculs que la foule y cherche ; on est moins dissimulé qu’on n’en a l’air, et l’on a peut-être assez souvent besoin de beaucoup d’imagination pour se cacher à soi-même que l’on suit son naturel tout en ayant la prétention de n’obéir qu’à des maximes d’état. Cette recrudescence de républicanisme chez les hommes monarchiques pourrait bien n’être en grande partie qu’une affaire de naturel. Il se pourrait qu’on fût républicain, parce que tout, même la république, semblerait meilleur à supporter qu’une prépondérance qu’on a faite, mais qu’on ne s’attendait point à faire si grande. Nous comprenons tous les désappointemens, tous les froissemens, ceux qui sont justes, ceux qui sont exagérés. En nous plaçant surtout au point de vue