témoignages recueillis à l’audience jettent une lumière plus vive sur cet aspect à la fois si curieux et si triste qu’offrait partout en 1848 et 1840 l’assaut livré par les démagogues à la société européenne. Cette guerre acharnée de voisins à voisins, ces tyrannies exercées par de si médiocres tyrans, ces fureurs de la foule, ces violences commises en toute sûreté de conscience contre les propriété et contre les personnes, ce sont là des traits ineffaçables qui doivent rester dans la mémoire publique pour tenir toujours en éveil la vigilance et le courage des gens de bien.
Est-ce à dire pourtant qu’il n’y ait de remède contre cette extrême licence que dans l’extrême autorité des privilèges aristocratiques ou des monarchies absolues ? Est-ce à dire que, pour affranchir la Suisse du joug des radicaux, on soit réduit à se réfugier sous les auspices des politiques du Sonderbund, que pour maintenir l’ordre dans les petits états ou dans les états secondaires de l’Allemagne, les grands aient le droit de leur imposer le régime de 1820, le régime de Carlsbad et de Laybach ? Cela, nous ne voudrons jamais consentir à le croire ; nous ne croyons pas davantage qu’il soit jamais dans l’intérêt de la France d’applaudir ou de s’associer à la domination de certains principes d’autorité pure qui, ne pouvant plus, en aucun cas, redevenir les siens, ne l’emportent nulle part en Europe sans paraître l’emporter sur elle et l’amoindrir. Il n’en est pas moins vrai que les grandes cours allemandes, et celle de Prusse en particulier, rentrent avec une affectation regrettable dans les voies dont elles étaient départies, même avant 1848. Le pacte de 1845 leur semble à peine une base suffisante pour restaurer tout l’ordre politique, soit dans chaque état, soit dans la confédération en général. On ignore toujours ce qui sortira des délibérations de Dresde. Les rumeurs qui circulent sur la composition d’un futur directoire exécutif ne signifient pas qu’il y ait encore de convention obligatoire et définitive entre toutes les parties. L’oeuvre inextricable d’une nouvelle constitution germanique n’est point encore si avancée. Les diplomates, dans le secret de leurs conférences, paraîtraient, au contraire, n’avoir pas été jusqu’ici beaucoup plus heureux que les professeurs de Saint-Paul dans le tumulte de leurs débats parlementaires. Les petits états opposent toujours difficultés sur difficultés, et l’on n’est pas sans avoir lieu de craindre que l’Autriche et la Prusse ne finissent par établir à elles seules, par imposer d’office un nouveau pouvoir central toujours à titre provisoire. On parle même de l’instituer sous très peu de temps à Francfort, de le confier au prince de Prusse et à l’archiduc Albert d’Autriche, de l’investir d’une autorité à peu près dictatoriale sur tous les membres du corps germanique. On laisserait ensuite les négociateurs de Dresde poursuivre tant qu’ils voudraient leurs arrangemens définitifs ; on se contenterait du provisoire. Reste à savoir jusqu’à quel point ce provisoire ne deviendrait pas lui-même un sujet de trouble en Europe, s’il pesait trop lourdement sur des états dont l’existence indépendante et distincte est garantie par le droit public européen.
Il est cependant une considération qui nous empêche de nous inquiéter très vivement des suites possibles d’une bonne entente trop étroite entre la Prusse et l’Autriche : c’est que cette intimité est trop scabreuse pour durer long-temps et pour permettre d’agir beaucoup. Nous indiquions, il y a quinze jours, la concurrence dont les deux cabinets se menaçaient par leurs systèmes douaniers ;