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des Sforza, des Visconti, des Farnèse. Qu’on se rappelle où ont abouti leurs efforts, quelle a été la destinée définitive de cette branche de la maison de Lorraine qui a étonné et bouleversé une partie de l’Europe. Ils commencent par vouloir supplanter les rois de France, ils finirent par devenir leurs premiers domestiques ; voilà le fruit de tant de conspirations et de batailles, de tant de sièges et de négociations, de tant de perfidies et d’insolences ! C’est que les Guise ont échoué dans leur dessein ; non parce que les circonstances collatérales et accessoires leur ont été contraires (loin de là, elles leur ont été singulièrement favorable, mais uniquement parce qu’ils luttaient contre l’impossible. Ils ont combattu l’esprit légitime de leur temps ; ils ont cherché à détruire l’autorité royale à une époque où tout tendait à la constituer et à l’établir. Pour y mettre obstacle, ils ont fomenté la guerre civile, qui n’était pas le produit naturel, la conséquence nécessaire de l’état de la France au XVIe siècle, même après l’introduction de la réforme. Les Guise ont allumé de leur propre main l’incendie qu’ils n’ont pas su éteindre et qui a fini par les dévorer. Aussi ne sont-ils que les faux grands hommes de leur siècle. Le vrai grand homme, c’est le réparateur, le sauveur de la France ; c’est celui qui les a vaincus, c’est Henri IV.

Les fautes des Guise, et elles sont nombreuses, contribuèrent sans doute à la chute de l’édifice imparfait dont ils avaient posé les assises ; mais il croula surtout par la faiblesse de ses fondemens. Il faut chercher moins dans leur entreprise que dans eux-mêmes les causes déterminantes de leur ruine. Si leur projet était né viable, ils avaient dans l’esprit et dans le caractère plus de ressources qu’il n’en fallait pour le réaliser. On a plus d’un exemple d’une œuvre presque aussi difficile accomplie à moins de frais. La vérité est que si les Guise ne purent toucher le but, c’est que ce but était une illusion.

Et cependant ils ont séduit un écrivain distingué, un fidèle et laborieux historien. Pour éclairer son sujet de plus prés ; il l’a détaché de l’histoire générale ; il l’a placé dans le cadre circonscrit mais non rétréci, d’une monographie particulière. C’est une entreprise nouvelle ; on n’avait pas encore considéré isolément cette race fameuse pour qui l’héroïsme fut un héritage et qui remplit de son nom cette période à la fois brillante et indécise, où le moyen-âge décroît et s’efface, tandis que les temps modernes ne font encore que poindre à l’horizon. L’autour de l’Histoire des Ducs de Guise a reproduit dans leur attrayante variété, dans leur singularité piquante, ces physionomies si originales et si contrastées : Claude, prudent et fin ; Charles, très politique, mais encore plus audacieux ; François, si fastueusement généreux, si orgueilleusement magnanime ; Henri, le plus bruyant de tous, non le plus habile ; ce cauteleux Mayenne, en réalité le dernier