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fléchissait quelquefois, il ne rompait jamais. Au surplus, quel que soit le motif qui ait dirigé les Guise dans le choix de leur drapeau, qu’ils aient agi sous l’empire de la conscience ou du calcul, ce qui fait l’honneur de leur nom, ce qui les recommande à la postérité, c’est d’avoir reconnu qu’en France la cause du catholicisme était celle du christianisme lui-même, et de s’y être dévoués vaillamment. Ils ont vu, non par le raisonnement, mais par l’instinct, que l’esprit français, assez hardi, assez aventureux pour franchir toutes les barrières, était trop logique pour s’en créer de factices ; qu’il pouvait aller bien au-delà du protestantisme, mais qu’il ne consentirait jamais à s’y arrêter. Les Guise assurément n’ont rien dit ni même rien pensé de tout cela ; leur siècle n’était pas raisonneur comme le nôtre ; il n’était pas sans cesse occupé à faire sa propre autopsie, il portait une épée au lieu d’un scalpel ; mais, en pareille matière, le coup d’œil de l’homme d’état vaut bien l’analyse du philosophe. Dans ce rendez-vous de toutes les opinions, dans cette mêlée de tous les symboles, tandis que Coligny voulait créer une république protestante, tandis que la réforme donnait l’existence à la Hollande, la grandeur à l’Angleterre, et qu’elle formait sur les bord d’un lac écarté, dans un coin des Alpes de Savoie, un centre religieux et politique, les Guise se détournaient de ces exemples, et comprenaient que le génie de la France était ailleurs. En effet, tout son passé, toutes ses traditions repoussaient l’établissement de la réforme. Quels étaient les souvenirs de l’Allemagne ? Une lutte perpétuelle et sanglante avec le saint-siège. Ceux de l’Angleterre ? Un assujétissement absolu à la cour de Rome. Rien de semblable en France : ni hostilité ni esclavage ; presque toujours une libre et respectueuse soumission, souvent même une protection honorable accordée par la fille à la mère. En France, le protestantisme n’avait pas d’ancêtres. — Mais il est temps d’entrer avec M. de Bouillé, dans les annales de l’étrange famille qui a débuté par prétendre à la couronne et qui a fini par disputer le pas au menuet.


I. – LES PREMIERS GUISE.

L’établissement d’une branche de la maison de Lorraine en France eut de graves conséquences pour la dynastie et pour l’état ; toutefois, à son origine, cet événement ne fut marqué d’aucun caractère politique : il n’avait rien que de simple et d’ordinaire, c’était l’effet d’une coutume très répandue au moyen-âge. Les cadets de maison souveraine se transportaient dans quelque royaume voisin pour y faire leurs premières armes, quelquefois pour s’y fixer. Moyennant certains avantages, certaines prérogatives, sans être assimilés aux enfans des rois, ils s’y plaçaient au premier rang, immédiatement après les princes du sang,