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bataille de Saint-Quentin, la prise de Calais, la défense de Metz, voilà pour cette famille des titres de meilleur aloi que le massacre de Vassy et la journée des barricades. M. de Bouillé n’en a point altéré l’éclat. Toute cette partie de son livre est écrite avec autant d’exactitude que de verve, et c’est là qu’il faut voir ce grand tableau de Charles-Quint méditant son abdication devant les armes de la France.

(*) ERRATUM. Un passage de l’article sur les Guise, de M. A. de Saint-Priest, a paru, dans l’intérêt de la vérité historique, devoir être complété par quelques lignes. Le passage, tel que nous le rétablissons en soulignant les lignes ajoutées, précise mieux la pensée de l’auteur. Ainsi, livraison du 1er mars 1850, page 802, lignes 30 et suiv. après ces mots : « Quant au duc François, c’était le premier capitaine de son siècle, et sur ce point il n’y a ni doute, ni controverse, pas plus chez les contemporains que dans la postérité, » lisez : « Guise fut héroïque devant Metz. Il arrêta la fortune de l’aigle autrichienne. M. de Bouillé n’a point altéré l’éclat de ce tableau. C’est dans cette partie de son livre écrite avec autant d’exactitude que de verve qu’il faut voir Charles-Quint méditant son abdication devant les armés de la Fronce La suite ne répondit pas à ce début du duc de Guise. Chargé de défendre le pape contre les impériaux, il se laissa dominer par une préoccupation trop ordinaire à sa famille, et qui finit par contribuer à sa chute. »

Le rôle militaire de la maison de Guise a été irréprochable ; il n’en est pas de même de son rôle politique. Après avoir adhéré sans réserve à l’admiration qui a si bien inspiré son historien, je me vois forcé de me mettre un peu moins du parti de son enthousiasme. Les Guise désormais ne vont plus faire que des fautes.

C’est pendant le règne de François II, qu’il faut juger François et Charles de Lorraine. Jusqu’alors ils avaient occupé une place très importante dans l’état ; la cour n’avait rien refusé à leur orgueil ; les distinctions, les dignités, les honneurs leur avaient été largement accordés. Point de limites dans les faveurs, nulle modération dans les imprudens bienfaits de la royauté ; elle avait fait de ces ambitieux étrangers ses premiers sujets, et même quelque chose de plus. Cependant ils n’étaient pas encore les maîtres du royaume ; ils ne le devinrent qu’à la mort de Henri II. Comment usèrent-ils du pouvoir suprême ? S’y montrèrent-ils grands politiques, administrateurs habiles, hommes d’état supérieurs ? Ont-ils marqué leur passage au pouvoir d’une de ces traces à la fois lumineuses et profondes qui, bien qu’obscurcies par la poussière des âges suivans, ne sont jamais complètement effacées, et restent dans les mœurs, dans les institutions, dans la constitution naturelle d’un pays ? C’est là ce qu’il faut examiner ; c’est là qu’est le point en litige. Si, au succès transitoire d’une ambition égoïste, les Guise n’ont associé aucune pensée d’un ordre plus général, ils ne méritent guère plus d’attention qu’un Concini, un d’Épernon, et tant d’autres favoris plus ou moins heureux, que l’histoire nomme en passant et auxquels elle ne tient aucun compte de leur élévation ; mais si les Guise ne se sont pas bornés à élever un monument domestique, s’ils ont apporté aussi une pierre à l’édifice encore nouveau de l’autorité monarchique commise à leur garde ; si, au lieu de l’arrêter dans sa construction laborieuse, ils en ont hâté l’achèvement et dirigé l’essor, ils méritent une place à côté des Suger, des Richelieu, de tous ces ministres qui, après avoir reçu le dépôt de la France, l’ont rendit à leurs successeurs accru, augmenté ou du moins intact. Pour prononcer, il faut examiner dans quel état les princes lorrains ont pris les affaires et comment ils les ont laissées.

En 1559, à l’avènement de François II, l’Europe entière vivait dans la préoccupation d’une seule idée, celle de la réforme religieuse. Le catholicisme succombera-t-il ? cédera t-il au nouveau symbole, ou finira-t-il