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de l’autorité suprême. Ceux-là même qui fomentent et qui conduisent la guerre civile s’y résignent plus qu’ils ne la recherchent ; ils l’évitent tant qu’ils peuvent recourir ç d’autres moyens. On n’a donc jamais fait la guerre civile par choix, par goût, par fantaisie. On ne secoue les flambeaux allégoriques dont nous parle Voltaire que lorsqu’on ne peut pas faire autrement. À la mort de François II, Catherine de Médicis aurait passionnément désiré que les Français se tinssent en repos, et rien n’est plus simple qu’un tel désir, puisque c’est elle qui les gouvernait.

Sans doute, vue à distance, la physionomie de cette reine se compose de quelques-uns des traits qu’on lui prête ; mais ils ne sont pas tous accentués d’une manière aussi distincte, avec cette précision mathématique et ce relief sculptural. En parlant de Catherine, on confond beaucoup trop les époques, on fait arriver trop tôt, sur la scène la complice, l’instigatrice de la Saint-Barthélemy. S’il est juste que le sang de cette nuit fatale retombe sur sa mémoire, il ne faut pas la montrer à tous les âges préméditant un, crime qui fut le fruit amer de sa maturité, la conséquence tardive de tristes aventures et de cruelles déceptions. Qu’est-ce que la Catherine de la Saint-Barthélemy ? Une vieille femme qui avait passé sa vie à mourir de peur. Ostensiblement impassible, elle n’en avait pas moins tremblé tous les jours dans le plus profond de l’ame. Cette existence si longue n’a été tout entière qu’une longue transe, commencée avec les tressaillemens du berceau, achevée dans les spasmes de l’agonie et les convulsions de la mort.

La nièce de Clément VII n’avait pas encore sept ans, et déjà on avait délibéré de l’égorger ou de la livrer à la brutalité des condottieri. Devenue reine, elle avait vécu sous la perpétuelle menace du divorce, du couvent, de la prison ou de l’exil. On la comparait en chaire à Jézabel jetée aux chiens, en ajoutant qu’il fallait y jeter aussi toute sa portée, et, comme ce supplice biblique n’était plus guère en usage, le maréchal de Saint-André avait proposé d’y suppléer en précipitant la reine-mère au fond de la Seine, cousue dans un sac, à la mode turque. Voilà quelle perspective s’était ouverte devant Catherine de Médicis, non pas dans des momens courts et rares, dans des crises peu durables, et peu fréquentes, mais sans cesse, mais toujours, avec une publicité complète et une invincible persistance. Il faut l’avouer, de pareils procédés doivent finir par aigrir le caractère, et on ne doit pas s’étonner que Catherine de Médicis ait enfin perdu patience. D’ailleurs on a fait beaucoup de contes sur cette femme étrange. Pour connaître la bonne volonté des partis à son égard, elle n’avait aucun besoin de monter dans un grenier et d’appliquer son oreille au tuyau d’une sarbacane, comme le prétend ce fou de Brantôme. Assez de libelles, de passequils, de lettres anonymes s’étaient chargés de le lui apprendre, sans qu’elle prît la peine de s’en assurer par ce singulier expédient.