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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/968

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simplicité sied mieux, et quand par hasard cette exagération est calculée, la supercherie ne tarde pas à se découvrir. Dans la statuaire encore plus que dans la peinture, un portait n’a de valeur que par l’expression du caractère et le rendu des détails, et le mot d’Apelles sera toujours applicable à ceux qui se réfugient dans de petites charlatanerie : « Ne pouvant la faire belle, tu l’as faite riche. »

M. Gruyère, pour modeler son buste de Greuze, s’est inspiré du portrait de ce peintre, et montre à M. Préault ce qu’il aurait dû faire pour celui de Poussin. Le marbre de M. Gruyère est des mieux étudiée ; on y retrouve la même vie, la même animation que dans la toile qui est au Louvre ; Il y a deux bustes gracieux et finement travaillés, l’un de Mme la comtesse de Gleose par M. Demi, l’autre de la Reine de Hollande par M. Oliva ; une bien charmante statuette de Mme… par M. Barre, le Don Diego Velasquez da Silva, de M. Maniglier, est bien vivant et empreint de force et de fierté. Le plâtre de M. Hébert représentant Benvenuto Cellini a aussi beaucoup de caractère. Entre plusieurs bustes de M. Cordier, le moins remarquable n’est pas le Nègre de Tombouctou. Dans le siècle dernier, on sculptait assez volontiers des têtes de nègres en marbre noir. À notre avis, le bronze, tel que l’a employé M. Cordier, rend mieux le ton huileux et le grenu de la peau africaine ; de plus, par le moulage, on parvient à reproduire bien plus exactement qu’avec le ciseau la qualité des cheveux frisottés ainsi que de la barbe rare et laineuse.

Le Faune dansant de la Tribune de Florence, si admirablement rajusté par Michel-Ange, a inspiré bien des artistes. M. Lequesne, sur cette donnée connue, a pourtant réussi à faire une œuvre originale. Son Faune bondit un pied en l’air, l’autre posé sur la peau du bouc gonflée et glissante, et il embouche en même temps la flûte sacrée. Le mouvement est vif, le corps bien jeté, chaque membre concourt bien à l’allure générale, et quand à l’exécution, elle est extrêmement soignée ; tous les muscles sont détaillés avec une grande science et jouent sous la peau. Peut-être pourrait-on trouver ce corps un peu bosselé, mais cette accentuation vigoureuse s’explique par le mouvement violent auquel se livre le danseur et par la tension qu’il imprime à tous ses muscles pour se maintenir en équilibre. De plus il faut remarquer que cette statue n’est qu’un modèle en plâtre destiné à être fondu en bronze, et que sous le vert sombre du métal les accentuations du modelé seront moins sensibles.

C’est une rencontre assez rare dans les œuvres de la sculpture moderne qu’une belle étude de la beauté virile. Pour une statue comme celle de M. Lequesne, il s’en trouve quatre ou cinq de femmes qui naturellement attirent plus la foule, et avec une moindre dépense de talent arrivent plus facilement au succès. Pense-t-on que M. Pradier