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française sont empreints d’une certaine nouveauté, car il a trouvé moyen de glaner quelques épis dans le champ que son prédécesseur avait moissonné d’une main empressée. Les capitulaires de Charlemagne n’ont pas été analysés par lui avec un soin moins scrupuleux ; il les a décomposés et rangés sous différens chefs, de manière à prouver que tous ces documens n’ont pas un caractère, purement législatif. En feuilletant les in-folio de Baluze, il a vu que les capitulaires se rapportent à des sujets très divers, et j’ai lieu de croire que la plupart de ses auditeurs ont accueilli avec étonnement la classification qu’il établit. Il y a en effet parmi les capitulaires de Charlemagne des actes d’une origine et d’une destination très diverses. Les uns s’occupent de matières religieuses ou politiques, les autres de matières administratives ou purement domestiques. Sans les preuves apportées par M. Guizot, le plus grand nombre des lecteurs ne sauraient à quoi s’en tenir sur la vraie nature des capitulaires. Les questions adressées aux missi dominici et les réponses qu’ils envoyaient à l’empereur ont été classées parmi les documens législatifs du règne de Charlemagne : nous devons remercier M. Guizot d’avoir réfuté une erreur si généralement répandue. Je ne dois pas oublier non plus le rôle du clergé catholique dans l’avènement de la seconde race, ou, pour parler plus clairement, dans la seconde invasion, rôle que M. Guizot nous explique plus clairement que tous les historiens précédens. Il est hors de doute que Winfried, plus connu sous le nom de Boniface, prêtre d’origine anglo-saxonne, a préparé par ses prédications, par ses négociations, l’avènement de la race carlovingienne. Or, jusqu’à présent la puissance de Winfried n’avait pas encore été mise en pleine lumière. M. Guizot a compris la nécessité de restituer à la seconde invasion son véritable caractère, et nous lui devons de connaître complètement le rôle joué par Winfried. Le clergé, qui avait agi si puissamment dans la première invasion de la race franke, comme l’a clairement démontré M. Fauriel dans son Histoire de la Gaule méridionale sous les conquérans germains, n’est pas intervenu, d’une manière moins énergique dans l’avènement de la seconde race. D’autres historiens avaient pressenti, avaient indiqué cette intervention : M. Guizot a le mérite de l’avoir démontrée avec une surabondance de preuves qui ne laisse rien à désirer. Enfin, et c’est à mon avis un des mérites les plus précieux de son enseignement, il nous a montré comment le dépérissement du gouvernement fondé par Charlemagne menait fatalement, inévitablement au système féodal. M. Augustin Thierry avait cherché, et croyait avoir trouvé les origines de la féodalité dans la diversité des races, un instant comprimées par la main de Charlemagne et se relevant après la chute du colosse impérial. M. Guizot, tout en acceptant la part de vérité contenue dans l’explication fournie par M. Thierry, la complète par les monumens