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La jeune fille sauta lestement à terre et courut en avant comme une biche. Sur le seuil de la métairie, le marquis fut reçu par son fermier avec de grandes démonstrations de respect. Tout respirait la pauvreté dans cette humble maisonnette, composée d’une grande pièce qui servait de chambre à coucher, de grange et de magasin. L’étable aux chèvres n’était séparée de cet appartement que par une barrière. Deux grabats, couverts de paille de maïs, représentaient les lits ; la porte et une lucarne sans vitre étaient les seuls passages ouverts à la lumière. Point d’autre objet de luxe qu’une image de la Madone sans cadre et un bouquet d’iris et de genêt d’Espagne ; mais la beauté de la Zita, sa jeunesse, sa vivacité, sa voix fraîche, entretenaient dans ce sombre réduit le mouvement et la joie. Sur une table bancale, on servit du miel, des oranges, des limons et de l’eau de source pour le rinfresco. Tandis que le marquis faisait honneur à cette modeste collation, le fermier, le bonnet à la main, et la bonne femme, appuyée sur l’épaule de sa fille, admiraient les belles manières que déployait leur patron à éplucher des fruits. Après avoir bien raisonné de la prochaine récolte, du prix de l’avoine et de la culture du blé de Turquie, le seigneur Germano se tourna vers la jeune fille, dont les grands yeux observaient tous ses gestes.

— Maintenant, dit-il, à nous deux, Zita : je veux que tu te maries.

— Votre excellence a raison, dit la mère. N’est-il pas vrai que ce serait péché de laisser notre famille s’éteindre ?

— Elle ne s’éteindra pas, reprit le marquis. Écoute-moi, Zita : tu as évité de répondre à mes questions tout à l’heure ; mais devant père et mère je te forcerai bien à t’expliquer. As-tu un amoureux, oui ou non ?

La Zita leva les yeux au ciel, ce qui veut dire non en pantomime sicilienne. Eh bien ! poursuivit le seigneur Germano, je te donne quinze jours pour trouver un mari qui te plaise. Ne t’inquiète que de sa figure et de son caractère. J’entends qu’il soit jeune, de bonne mine et d’un heureux naturel. Le reste me regarde.

— Je n’étais point d’avis, dit le père, qu’elle prît un mari ; mais, puisque votre excellence se charge de tout, c’est fort différent.

— Je me charge de tout en effet. Passé ce délai de quinze jours, si la Zita n’a pas encore trouvé de prétendant, je lui en choisirai un moi-même, et je lui promets dès aujourd’hui cinquante ducats par an de pension à chaque enfant qu’elle aura, pour l’encourager à en faire beaucoup.

Le marquis vida son verre de limonade, prit son chapeau et sa cravache, et demanda son mulet. Suivant l’usage du pays, le métayer et sa femme baisèrent la main de leur patron ; la Zita s’approchait à son