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la France que s’adressaient ces hommages : la sympathie publique voulait aussi honorer par ces flatteuses avances la grande pensée qui, au milieu de la lutte acharnée des intérêts commerciaux, avait donné dans l’extrême Orient un défenseur officiel à la cause de la civilisation et de la liberté religieuse. Sur un théâtre où le peu d’importance de nos opérations commerciales eût créé à nos agens et à notre marine un rôle ridicule, ce protectorat dont la tradition remonte aux plus beaux jours de la monarchie française était le seul terrain sur lequel nous pussions planter avec honneur notre pavillon. Aussi bien que les Anglais et les Américains, nous avons maintenant en Chine notre raison d’être. Les navires de guerre, les consuls, les envoyés diplomatiques que nous entretenons dans ces mers lointaines, n’y sont point pour témoigner de la sollicitude affairée d’une administration impuissante, ils ne sont point là non plus pour nous faire assister en rivaux envieux et malveillans aux progrès des nations industrieuses qui se disputent le marché de la Chine : ils sont là pour défendre une noble cause qui est devenue la nôtre, pour garder de toute atteinte les traités librement consentis avec notre plénipotentiaire par la cour de Pe-king. Si maintenant, par suite d’éventualités qu’il est permis de prévoir, ces vaisseaux, ces agens étaient appelés à préserver l’intégrité du Céleste Empire, à offrir aux puissances belligérantes une médiation opportune, s’ils savaient inspirer aux Chinois la sagesse, aux Anglais la modération, l’Europe ne pourrait qu’applaudir encore à ce bienfaisant usage de notre influence, et la France n’aurait pas à regretter des sacrifices au prix desquels elle aurait garanti contre de redoutables perturbations l’équilibre politique du monde.

Telle est l’honorable situation que nous ont faite en Chine les traités négociés par M. de Lagrené. À Shang-hai, où notre pavillon commercial n’avait point encore paru depuis l’ouverture des cinq ports, la présence d’un navire de guerre français ne surprit cependant personne. Anglais, Américains, Chinois, tous savaient ce qui amenait dans ces parages le ministre de France. Quand ils avaient entendu gronder le canon de la corvette, les cultivateurs du Kiang-nan s’étaient écriés : Voilà les amis de l’évêque ! Les Européens s’étaient empressés de tendre la main aux protecteurs des chrétiens chinois. Les autorités chinoises elles-mêmes s’étaient montrées disposées à oublier leur réserve habituelle en faveur de ces étrangers dont la conduite ouverte n’avait jamais caché d’embûches. C’était maintenant à nous de reconnaître par un prompt retour ces prévenances et ce bienveillant accueil ; aussi décidâmes-nous sans regret que nous consacrerions une nouvelle journée, une journée tout entière, à rendre les visites que nous avions reçues. Le 25 janvier, vers onze heures du ’matin, les canots de la Bayonnaise transportèrent au débarcadère le plus rapproché du consulat de France M. Forth-Rouen et le brillant cortége que lui composait