Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/1182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

États-Unis seuls peuvent être juges. Les autres états ont des institutions plus ou moins équivoques ; l’Union seule a des institutions fondées sur le droit et la justice. Son congrès est le seul tribunal qui puisse rendre un verdict qui ne soit pas entaché de superstition politique. Les États-Unis ont condamné l’intervention de la Russie en Hongrie ; cette intervention était donc injuste : que valent les protestations des gouvernemens européens ? elles n’aboutissent à aucun résultat, parce que ces protestations ne sont jamais des manifestes ! — Tel est le résumé des discours du général Cass : c’est l’infaillibilité politique de l’Union américaine venant remplacer l’infaillibilité spirituelle de l’église catholique. Jamais d’ailleurs, il faut le reconnaître, les tendances logiques de la démocratie américaine n’avaient été exposées aussi hardiment, avec autant de netteté. Nous préférons, quant à nous, les paroles de paix qu’on prête à M. Clay dans son entrevue avec M. Kossuth. M. Clay se serait montré aussi opposé, dit-on, à la politique d’intervention que M. Cass à la politique de neutralité ; mais, hélas ! M. Clay est vieux et retiré des affaires, tandis que M. Cass est encore dans toute la force de l’âge et candidat à la future présidence. La démocratie suit aux États-Unis son cours irrésistible, sans grand souci des dangers d’autrui. C’est à nous, qui avons vu de si près tant de dangers, de chercher à modérer, si c’est possible, les vœux que font pour leurs frères européens les citoyens de l’Union, et en tout cas de nous mettre en garde contre leurs sympathies.

S’il y a bien des luttes politiques on nationales actuellement engagées dans le monde, aucune n’est plus étrange et plus curieuse à suivre peut-être que celle qui existe depuis long-temps déjà entre les États-Unis et le Mexique. On se souvient sans doute de la guerre faite, en 1846, par l’Union américaine à la république mexicaine. De prétexte sérieux et légitime, il n’y en avait point ; il n’y avait que cette tentation perpétuelle offerte par un pays dévoré de divisions et d’impuissance à un pays audacieux et avide de conquêtes. On sait aussi comment se termina la guerre : par un traité qui livrait à l’Union la Haute-Californie et le Nouveau-Mexique moyennant 15 millions de piastres. Les États-Unis avaient fait une affaire de commerce par le fer et le feu. Depuis ce moment, de quelle nature sont les relations des deux pays ? Les bataillons de l’Union n’occupent pas, il est vrai, la Vera-Cruz et Mexico ; ce n’est pas le gouvernement de Washington qui agit. C’est cette entreprenante race elle-même qui met la main à l’œuvre, comme d’habitude, sous sa propre sauvegarde. Partout se fait sentir au Mexique la menaçante action américaine, partout éclatent les résultats de ce dangereux voisinage. Cette perpétuelle immixtion des citoyens libres des États-Unis affecte le plus souvent une forme particulière propre à la nature commerciale de cet étrange peuple : c’est la contrebande, mais la contrebande à main armée, par l’insurrection. Les marchands américains trouvent facilement quelque chef ambitieux et cupide qui lève le drapeau sous un prétexte politique quelconque. L’insurrection s’empare des postes douaniers ; les marchandises américaines pénètrent alors, inondent le pays, et le but est atteint. C’est là l’histoire de ce qui se passe chaque jour sur l’immense frontière qui sépare les États-Unis du Mexique. Une des dernières insurrections de ce genre avait à sa tête un chef de guerillas du nom de Carvajal. L’armée de Carvajal se composait d’un ramassis de bandits mexicains et d’un certain nombre d’aventuriers américains. C’est avec cette force que le guerillero mexicain