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qu’il a reconnue nécessaire, sans exciter dans le pays de funestes ressentimens ? A la bonne heure, s’il en est ainsi. Cependant, s’il faut qu’un jour le vœu général soit satisfait, n’y a-t-il pas à craindre de laisser grandir un radicalisme peu puissant encore, mais capable de faire en quelques années, dans l’intervalle de deux diètes, une vaste propagande ? Et le parti libéral lui-même, dont la majorité, c’est-à-dire les classes moyennes, a consenti, après les concessions réelles offertes par le gouvernement, à ne pas faire valoir les prétentions du congrès d’OErebro et à faire cause commune avec le ministère, le parti libéral ne met-il pas sa cause en danger, s’il néglige d’opposer désormais une union plus parfaite, sans défection possible, à des agitateurs qui, par leurs prétentions exagérées, peuvent compromettre tout espoir de réforme ? Il suffirait sans doute aux hommes modérés d’être animés de la seule pensée du bien public et d’oublier les intérêts particuliers. Un nouveau projet, accueilli par la diète dans ses dernières séances, doit être discuté dans trois ans ; il est moins libéral que celui d’OErebro, mais l’adoption définitive de ce programme n’en serait pas moins une conquête. Un certain nombre des réformistes d’OErebro, le parti de l’Aftonblad par exemple et ce journal lui-même, se préparent à l’appuyer ; nous en félicitons les libéraux suédois. Le triomphe ne leur échappera pas s’ils savent ne point se diviser dans leur modération et inspirer ainsi confiance au gouvernement lui-même. Les deux premiers ordres s’apercevront bientôt que la réforme opérée d’accord avec le concours du gouvernement et de la généralité de la nation aura chance de leur être plus profitable qu’un combat incertain contre la bourgeoisie avec les radicaux pour alliés.

L’esprit moderne peut seul procurer à la Suède, comme aux autres états scandinaves, la force intérieure dont ces pays ont besoin en vile du rôle ou des dangers auxquels leur situation géographique les expose peut-être. Déjà, au mois de juin 1849, le Danemark a reçu de son roi un gouvernement constitutionnel, et il a puisé dans cette révolution pacifique le courage et l’énergie qui lui ont valu le triomphe dans la guerre des duchés. Pour la Suède aussi, une réforme sage, modérée, reconnaissant les droits sociaux que réclame chez toute nation la dignité humaine, sera une bonne garantie de l’avenir. Ce sera du moins un résultat sérieux du mouvement intellectuel qui agite ce pays depuis cinquante ans, résultat plus facile à atteindre et certainement plus fécond que l’union politique des trois royaumes. Qui sait d’ailleurs quel essor pourra donner à l’esprit publié, aux écrivains et aux poètes de la Suède la jouissance incontestée et paisible d’institutions reconnaissant tous les droits sociaux et cherchant dans une sage tolérance la base la plus sûre de leur autorité ?


A. GEFFROY.