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faites par l’état à MM. Eugène Delacroix, Bremond et Chasseriau. M. Eugène Delacroix a été chargé par la ville de Paris, de compte à demi avec le ministère de l’intérieur, de la décoration d’une chapelle à Saint-Sulpice, et MM. Bremond et Chasseriau doivent exécuter des peintures décoratives pour les églises de la Villette et de Saint-Philippe du Roule. Ces travaux sont ou à peine commencés, ou trop peu avancés pour être convenablement appréciés dès à présent. Nous ne voulons pas prolonger davantage cet examen des efforts incessans de nos peintres dans l’intervalle des expositions, et notre but ne peut être, on le comprendra, de pénétrer dans chacun des ateliers où s’achève une œuvre d’art de quelque importance. Ce que nous voulons surtout démontrer, c’est l’utile action qu’exercent sur les arts du dessin les grands travaux de peinture monumentale, comme complément et au besoin comme correctif des expositions annuelles. On ne peut mieux compléter cette démonstration qu’en passant des peintres aux sculpteurs, dont les travaux se relient plus directement encore aux encouragemens que reçoit parmi nous l’art monumental.


II

On sait que les chefs-d’œuvre de l’art antique qui furent rapportés d’Italie à la suite de nos victoires avaient été cédés à la France par un des articles du traité de Campo-Forrnio. Bonaparte, qui ne négligeait aucun des moyens de frapper l’imagination des hommes, veilla personnellement à ce que cette clause fût rigoureusement exécutée, et il ne voulut faire grace aux vaincus ni d’une statue ni d’un tableau. Il songeait dès-lors à s’attacher l’opinion, et il savait que les Français résistent difficilement aux séductions qui s’adressent à leur amour-propre et à leur goût. Il voulait que le Louvre fût le musée de l’Europe et que les principaux monumens des arts y fussent réunis. L’Amour grec, le Bacchus indien, la Flore, l’Antinoüs, le Discobole, le Faune au repos, le Torse, l’Apollon du Belvédère, et quarante autres statues de même valeur y furent transportés successivement. On savait que la Vénus de Médicis était au nombre des objets cédés, et on s’étonnait de ne pas la voir figurer parmi ces chefs-d’œuvre immortels. Voici ce qui était arrivé : à la première nouvelle de ce qui venait d’être décidé, le chevalier Puccini, directeur du musée de Florence, avait lestement emballé la Vénus, et, en homme véritablement passionné, s’était réfugié à Palerme, de compagnie avec elle. Le secret ne fut pas si bien gardé, que sa retraite ne fût bientôt découverte. Or, quelque temps après la signature de la paix d’Amiens, une frégate française se présente dans le port de Palerme. Le commandant était porteur d’une