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divers n’avaient rien de sérieux, que lui seul avait marché au but honorablement, adressé une demande formelle, et que par conséquent les autres n’étaient que des imitateurs.

— Que d’amourettes ! murmura le père. Il paraît que ma fille a aimé tous ces jeunes gens. Cela augmente les difficultés et l’embarras du choix.

— Bah ! lui répondit dame Rosalie, on préfère toujours quelqu’un.

L’arbitre souverain était cependant fort indécis. Tandis que chacun parlait à son tour, Pepina donnait in petto raison à l’orateur ; mais la réflexion venait ensuite changer ses sentimens. — Ah ! seigneur Gaëtano, dit-elle en soupirant, vous que j’ai aimé le premier, pourquoi faut-il que, par votre inconstance et vos méchans procédés, vous ayez changé mon amour en mépris ? Vous n’auriez eu ni successeur ni rival. Et vous, gentil Giulio, que je croyais si loyal, pourquoi ai-je découvert que vos consolations étaient une comédie et un piège ? Quant à vous, seigneur Vincenzo, votre qualité d’étranger et de Napolitain ne devrait être qu’une objection légère. Par malheur, Pasquino vous a porté un coup dans mon pauvre esprit avec ses plaisanteries et ses satires, et puis vous avez débuté à Monreale par une faire une grossière insulte, dont je frémis encore d’indignation lorsque j’y songe. Le seul homme ici présent qui ne m’ait donné aucun sujet de plainte, c’est Dominique.

— Au diable ! s’écria le père. Dominique est un honnête garçon, un brave piqueur de thons, mais je n’en veux point pour mon gendre.

— Rassurez-vous, reprit Pepina ; il n’a point réussi à faire fortune à la pêche du corail, et je sens bien que, malgré tout son mérite, il ne serait pas agréé de ma famille ; mais si Dominique n’est point assez riche, les autres sont encore moins dignes que lui, et je ne choisirai personne jusqu’à nouvel ordre.

— Un moment ! dit Gaëtano. Permets, ô ma Pepina, que je tente un dernier appel à tes souvenirs. Il y a autre chose entre nous que des paroles en l’air. As-tu donc oublié nos rendez-vous dans le jardin, nos longs entretiens à l’ombre du palmier, sous la grotte de rocaille et même dans ta chambre, tandis que la ville entière sommeillait ? J’eus de grands torts, il est vrai ; mais je les réparerai en te menant à l’église, car je suis ton époux, et mes droits sont sacrés.

— Les miens aussi, dit Giulio.

— Et les miens de même, dit le Napolitain.

— Ouais ! qu’est cela ? s’écria le père ; j’en apprends de belles. Des rendez-vous ! des entretiens à l’heure du sommeil ! des droits sacrés à trois personnes différentes ! Sang du Christ ! je ne sais à quoi tient que je n’assomme ma fille à grands coups de bâton.