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eux-mêmes, de s’établir dans le pays par habitations, par fermes isolées, par kraals éloignés les uns des autres, par campemens, selon les exigences des saisons, selon le hasard des sources et des maigres filets d’eau qui arrosent cette terre sablonneuse et sa quadruple chaîne de montagnes superposées.

Quoi qu’on en ait dit dans les meetings passionnés d’Exeter Hall, dans les réunions ou les écrits des abolitionistes, des membres des sociétés de la paix ou pour la protection des aborigènes, quoi qu’aient enseigné sur ce sujet les membres de la société des missions de Londres et surtout les méthodistes, qui ont été les plus vifs et les plus acharnés ennemis des Boers ou habitans de la colonie, il est hors de doute aujourd’hui que la domination hollandaise s’étendit régulièrement et presque pacifiquement sur le pays. Il y a quelques années encore, des calculs entachés de la plus violente exagération avaient persuadé en Angleterre au parti religieux, qui a exercé une si grande influence sur la destinée de la colonie, que la conquête hollandaise avait causé l’extermination de plus d’un million d’hommes. C’était presque un axiome de la statistique perfide et mensongère inventée pour satisfaire la vanité d’un siècle qui se prétend positif, et qui ne se laisse pas moins que les autres conduire par ses passions. Cette calomnie, répandue perdant trop long-temps sans contradiction et avec assez de persistance pour qu’elle se soit presque accréditée, a reçu un éclatant démenti des investigations sérieuses qui ont été faites, bien qu’un peu tard, pour arriver à la connaissance de la vérité. Le dépouillement des archives officielles de la colonie, fait avec soin par un officier anglais, le lieutenant Moodie, qui a publié plusieurs volumes d’extraits de ses recherches, a démontré que le gouvernement hollandais n’était ni exterminateur ni oppresseur des indigènes, qu’il veillait au contraire à leur protection, que le territoire colonial avait été successivement acheté par lui en vertu de traités amiables dont on a retrouvé les originaux, et qui « semblent avoir été, pour employer les paroles mêmes du lieutenant Moodie, aussi complets, aussi réguliers que ceux passés par William Penn, l’apôtre des quakers et le fondateur de l’état de Pennsylvanie, avec les Indiens de l’Amérique du Nord. » Bien plus, le résultat de ces travaux a appris que, pendant leur longue occupation de presque cent soixante ans, les Hollandais ne s’étaient trouvés que deux fois sur le pied de guerre déclarée avec les indigènes ; les Anglais, qui ne comptent encore que quarante-cinq ans d’occupation, en sont à leur septième guerre contre les Cafres !

D’ailleurs, si la passion n’eût pas aveuglé de son triple bandeau les auteurs de cette déplorable invention, ils en eussent bien vite eux-mêmes découvert le ridicule, pour peu qu’ils eussent voulu rechercher la puissance ; les mœurs et le chiffre de la population qu’ils accusaient