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comptant, au dire de sir Harry Smith, plus de deux mille hommes en état de porter les armes, reprirent encore le chemin de l’exil. Ils sont allés s’établir entre le 25e et 22e degré de latitude, où ils errent aujourd’hui avec leurs troupeaux, sans qu’on sache bien précisément quelle a été leur fortune et leur histoire dans cette nouvelle migration. Depuis tantôt seize ou dix-sept ans qu’ils sont absens de la colonie, ils ont peu à peu rompu leurs rapports avec elle, et, séparés qu’ils en sont aujourd’hui par une bande de terrain large de plus de cent cinquante lieues, ils échappent à l’attention publique, qui, distraite par d’autres événemens, s’occupe peu de leur destinée.

Les Boers émigrés viennent cependant de rompre tout à coup le silence et d’une manière qui fait honneur à leur générosité. L’insurrection de la Cafrerie anglaise, bien qu’elle soit, comme démonstration armée, confinée sur une superficie peu importante, a néanmoins mis en émoi toute la race noire du sud de l’Afrique ; l’agitation s’est propagée jusque chez les tribus qui errent dans le voisinage des camps hollandais. Au fond de leur exil, les Boers ont appris que, parmi les populations qui bordent la frontière nord de Port-Natal, il se tramait de sinistres projets contre cette colonie laissée presque sans défense et composée en partie de gens de leur race. Alors leur conseil s’est rassemblé, et en son nom A.-W. Praetorius, qui, depuis sa victoire sur Dingaan est toujours resté leur chef militaire, a fait savoir aux tribus suspectées que, si elles commettaient aucun acte d’hostilité contre Port-Natal, il irait leur en demander satisfaction à la tête d’un commnando.

Ce grand événement de l’émigration des Boers remplit à lui seul toute l’histoire de la colonie du cap de Bonne-Espérance jusqu’en 1846. Les choses à cette époque allaient encore tant bien que mal, lorsque tout d’un coup une irruption des Cafres, aussi peu provoquée et aussi inexplicable, mais plus terrible que les précédentes, inonda la province orientale de la colonie d’un torrent de barbares. Comme toujours, l’autorité anglaise fut prise au dépourvu ; mais, comme toujours, lorsqu’elle a eu le temps de réunir ses forces, elle reprit l’offensive et força les Cafres à demander la paix. Cette fois du moins les philanthropes ne furent pas appelés à en régler les termes, et les politiques, éclairés par l’expérience, ne parlèrent plus de l’occupation restreinte. On en revint au plan proposé par sir B. d’Urban en 1835, mais en le perfectionnant. Le projet qu’il avait eu de créer un désert entre les Cafres et la colonie peut se comparer à l’obstacle continu qu’il fut question d’établir dans la Mitidja ; ce qu’on fit au Cap est la contre-partie très exacte de ce que la France a fait elle-même, lorsqu’avec le maréchal Bugeaud elle entreprit de gouverner directement les Arabes. On sait qu’en Algérie le système repose, comme organisation administrative, sur un certain nombre d’officiers chargés du gouvernement des tribus, et, comme