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du reste, sont les uns droits et les autres inclinés ou même renversés, ce qui pourrait venir à l’appui de l’opinion qu’ils ne sont que des signes de repère employés par les constructeurs de la porte. Pour ma part, je ne me charge pas de trancher cette question. Au-delà de cette porte s’ouvre devant nous un vaste plateau : c’est celui de Masada. Dieu soit loué ! nous y sommes tous arrivés sains et saufs, et, comme nous ne nous sommes pas arrêtés une seule seconde, cinquante minutes nous ont suffi pour nous élever du camp jusqu’aux ruines.

La crête qui nous y avait conduits est garnie d’édifices ouvrant sur le plateau et adossés au mur d’enceinte : ce sont des espèces de cases carrées, bien conservées encore, et dans les parois desquelles paraissent fréquemment de petites ouvertures disposées en quinconce, comme les trous d’un pigeonnier. Devant nous, à moins de cent pas, était une ruine qui ressemblait presque à une petite église avec abside circulaire. — C’est le Qasr, le palais, me dirent mes Bédouins. J’y courus en hâte. La salle principale est terminée par cette abside en cul de four, percée d’une petite fenêtre ronde. Toute l’abside est en belles pierres de taille d’appareil. Les murailles contre lesquelles elle est appliquée sont couvertes d’un crépi très dur, dans lequel sont appliquées des mosaïques d’un genre tout neuf pour moi : ce sont des milliers de petits fragmens de pots cassés rougeâtres, encastrés dans le mortier et qui forment des dessins réguliers, seul ornement des murailles de cette salle. Quelques petits cubes réguliers, de couleur rouge, blanche et noire, me donnèrent à penser que la salle était pavée en mosaïque. J’encourageai donc mes Bédouins par l’appât d’un bakhchich, et, pendant que je prenais le plan de la grande salle et des petites salles attenantes, les décombres furent écartés du sol, et une jolie mosaïque, formée d’entrelacs circulaires, fut remise au jour. Elle était malheureusement tout effondrée, et je ne me fis pas dès-lors le moindre scrupule d’en faire enlever quelques échantillons. Quelques fragmens de moulures en marbre blanc furent dessinés et cotés. Le sol était jonché de débris de poterie rouge et de morceaux de verre dont j’emportai des échantillons. Personne de nous ne perdit son temps ; et M. Édouard Delessert leva la porte ogivale d’entrée, pendant que M. Belly et moi nous travaillions de notre côté.

Quand nous eûmes fini nos croquis, nous commençâmes la visite du plateau entier. Partant donc du Qasr, qui est directement à l’est de la porte ogivale, et nous dirigeant vers le nord, nous trouvâmes une grande citerne rectangulaire où il n’y a naturellement pas une goutte d’eau, et qui est aujourd’hui envahie par les broussailles. Plus loin, au nord-ouest du Qasr, est une enceinte quadrangulaire, de construction beaucoup plus ancienne que le Qasr et que les autres édifices. Un fossé large et profond la sépare du reste du plateau, à partir du flanc gauche d’une tour carrée en ruine qui domine le terrain et qui