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qu’elle fût déjà à Rome le 26 juillet 1847, eût pu encore être sauvée ; mais le nouveau ministre, pas plus que l’ancien, n’avait l’expérience des affaires d’état. Il le fit voir, dès son arrivée, par ses premières démarches et ses premières mesures : le pouvoir venait d’expirer aux mains de son prédécesseur pour avoir trop recherché et n’avoir jamais su gouverner la popularité ; il tomba dans le même défaut de conduite. Cicervacchio avait été le héros du 16 juin, il fit à Cicervacchio un accueil extraordinaire ; monsignor Morandi avait la réputation de ne pas trop déplaire à Cicervacchio, monsignor Morandi fut nommé à la direction de la police.

Quand un gouvernement, dès ses premiers pas, se livre ainsi à la popularité, où va-t-il ? Où la popularité le voudra mener. À sept mois de là à peine, le cardinal Ferretti en fut le triste exemple. Son prédécesseur, pour avoir trop sacrifié à ce faux dieu du caprice populaire, était tombé au milieu d’une émeute ; pour avoir continué la même et déplorable conduite, il tomba, lui, au milieu d’une révolution. Il était plein de confiance cependant, et il le disait à tout le monde. Un des premiers jours de son administration il eut l’imprudence même, dans un moment d’enthousiasme, de s’écrier : « Mostriamo all’ Europa che noi bastiamo a noi stessi ; nous montrerons à l’Europe que nous savons nous suffire à nous-mêmes ! » Paroles téméraires dont les partis devaient faire plus tard un détestable usage, et que le cardinal Ferretti n’eût jamais dû prononcer, car il était hors de son pouvoir de jamais les justifier.

On vit tout de suite combien, après une année qui aurait dû tout voir finir comme elle avait vu tout commencer, le gouvernement pontifical était devenu incapable, quoi qu’il dît, de se suffire à lui-même. Les esprits, les choses, les désirs, l’opinion, tout avait changé durant cette fatale année d’atermoiemens et d’inaction. Le cardinal Ferretti n’était plus, comme à treize mois de là s’était trouvé le cardinal Gizzi, devant quelques vœux de réforme à satisfaire ; il était devant les premières approches d’une révolution à conjurer. La question de la réforme de l’administration temporelle des États de l’Église s’était étendue, et en s’étendant s’était dénaturée. Au premier bruit des généreuses promesses de Pie IX, l’Italie entière avait tressailli. En Toscane et en Piémont d’abord, en Lombardie et dans les états de Naples ensuite, les esprits s’étaient animés ; on commençait à parler partout de deux choses avec lesquelles la réforme administrative des états pontificaux n’avait certes qu’un rapport fort éloigné, de deux choses pleines de tempêtes, et où le pontificat même de Pie IX pouvait sombrer : de l’indépendance de l’Italie et de la substitution du gouvernement constitutionnel au gouvernement absolu.

Si le cardinal Gizzi avait légué à son successeur la réforme des États