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à trois points de vue différens, pour le triomphe d’un même système politique qui n’était certainement pas praticable à Rome en 1848, et qui vraisemblablement ne l’y sera pas de très long-temps. Le monde sans doute a vu bien des partages de souverainetés, mais il n’en a jamais vu d’aussi hardi ni d’aussi délicat que celui qui fut tenté à Rome en mars 1848, et l’idée de faire du pape un monarque constitutionnel demeurera parmi les plus extraordinaires que ce siècle, si fertile pourtant en conceptions extraordinaires, ait vues à l’essai.

Le cardinal Antonelli, qui le premier, par dévouement sans doute à la personne du saint père beaucoup plus que par ferme croyance à la viabilité des institutions nouvelles, accepta la fonction de ministre constitutionnel du saint-siège, était encore peu connu comme homme public. Son élévation au cardinalat ne datait que de l’année précédente ; auparavant il remplissait près de la cour romaine la charge de trésorier-général. Il avait aussi rempli à Viterbe une mission administrative, où il avait laissé, a-t-on dit depuis, la mémoire d’un fonctionnaire ferme jusqu’à la rigueur. Quoi qu’il en soit, il ne paraît pas qu’alors, sans être populaire à Rome, son nom fût en haine ni même en discrédit, puisque la nouvelle de son avènement au poste de cardinal-ministre n’excita aucune rumeur. Il se trouvait, dès le premier jour de son entrée en fonctions, devant une difficulté immense : c’était la mise en pratique loyale, et pourtant prudente, de la constitution, — pleine non pas d’embûches, la calomnie et l’ignorance ont pu seules voir là des embûches, mais d’embarras, et d’embarras inextricables, — qu’avait, dans son sincère désir de concilier l’inaliénable souveraineté du saint-siège avec les besoins plus fiévreux que réels des temps, promulguée la cour de Rome.

Le pacte constitutionnel octroyé par le saint père à ses sujets avait avec toutes les chartes de ce siècle, et principalement avec nos chartes de 1814 et de 1830, une ressemblance générale qui frappait d’abord les regards. Les pouvoirs politiques y paraissaient pondérés avec le même soin que dans toutes les organisations fondamentales d’état de ce genre ; en y regardant de plus près cependant, il était aisé de voir que la constitution avait un vice dont elle était destinée à périr. Au lieu de trois pouvoirs seulement, c’est-à-dire un prince irresponsable, chef du gouvernement, et deux chambres chargées du vote de l’impôt et de la législation, la constitution romaine du 10 mars en reconnaissait quatre : ce quatrième pouvoir, supérieur aux trois autres, et qui en réalité les devait ou annihiler on absorber tous, c’était le sacré collège des cardinaux. Le sacré collège, disait le premier article du pacte constitutionnel, est le conseil politique inséparable de la personne comme du gouvernement du souverain pontife. Ce conseil, disait un autre article, retient exclusivement la connaissance des affaires ecclésiastiques