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boulanger du chapitre : « Monsieur Bonald, monsieur Bonald, quand nous donnez-vous des auberts ? » Et lui de répondre : « Dans un mois, dans trois semaines, mes enfans. »

Après M. Bonald se présentait dans les souvenirs du vieil historien l’abbé Causse, le pointeur des chanoines ; c’était l’abbé Causse qui tenait la feuille de présence des offices de la cathédrale ; il était la terreur des vicaires, des hebdomadaires, des chapelains. Malheur à qui se présentait après l’Introït ! il était noté sans rémission. En vain on le priait, on le suppliait. — Ta ! ta ! ta ! disait M. Causse, il faut obéir aux obits, et je ne veux pas m’exposer, pour vous plaire, à la vengeance des fondateurs d’obits qui nous font vivre depuis tant de siècles. — De quoi vous plaignez-vous d’ailleurs ? disait l’abbé Causse aux chanoines, les Matines se disaient autrefois à minuit, on les disait de mon temps à cinq heures, et maintenant vous trouvez que c’est trop matin de les dire à sept heures et demie, au grand scandale de ce peuple qui n’est pas fâché que ses religieux veillent quand il dort.

Quand le petit Amans-Alexis eut l’âge d’aller aux écoles, il fut confié à un vicaire de la cathédrale qui tenait une petite pension, et dont les sœurs étaient couturières. Le vicaire n’était pas toujours facile il vivre ; en revanche, ses jeunes sœurs et leurs jeunes ouvrières étaient de la meilleure humeur qui se pût voir, si bien que lorsque les cloches de la cathédrale, Martial, Marie et Jacqueline (la petite cloche), appelaient mons le vicaire à l’autel, aussitôt l’école allait rejoindre l’atelier de couture, et c’étaient des rires aux éclats. Tant bien que mal on finit toujours par arriver au que retranché ; ce fossé franchi, il fallut quitter la maison du vicaire et passer, au collège même, sous la loi de sept ou huit professeurs qui enseignaient de leur mieux la grammaire, la rhétorique, la théologie et la physique. Chaque professeur, logé et nourri dans le collège, grace à quelques rentes féodales et à quelques petits fonds de terre autour de la ville, touchait de cinq à huit cents francs chaque année. Ils étaient aidés dans leurs augustes fonctions par un correcteur, qui donnait à messieurs les écoliers plus que des férules. Tous ces braves gens, maîtres et disciples, étaient à l’œuvre, et l’on marchait d’un si bon pas, le correcteur aidant plus ou moins, qu’à seize ans qu’il pouvait avoir, le jeune Alexis, fils de Jean Monteil, savait assez de philosophie et de logique pour s’engager dans un régiment de dragons, lequel régiment allait à Paris. Un dragon à seize ans ! Heureusement que notre guerrier avait du moins un nom de guerre : Belcombe !

C’était écheoir en dignes compagnons !
Aussi Belcombe, ignorant leurs façons,
Se trouva là comme en terre étrangère ;
Nouvelle langue et nouvelles leçons.