Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 13.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ministre au pontife un libéral à l’imagination hardie et aux principes inflexibles, qui, pour première condition de son entrée aux affaires, avait exigé le retrait de l’allocution du 29 avril, l’adoption formelle de la politique de la guerre, et l’attribution à un laïque du département des relations extérieures en tout ce qui concernait les intérêts séculiers. Ce libéral, déjà célèbre alors, était M. Mamiani. On voit, dès le mois de mai 1848, deux mois à peine après l’établissement du gouvernement constitutionnel à Rome, où en étaient et l’indépendance politique de la cour de Rome et la puissance de la révolution qui devait la renverser.

M. Terenzio Mamiani avait tous les caractères d’un ministre imposé par la volonté publique à son souverain, et si telle doit être en effet, comme certains théoriciens le pensent, la nature d’un ministre constitutionnel, jamais homme ne mérita mieux ce nom. Proscrit sous Grégoire XVI pour avoir pris part à l’insurrection de 1831, M. Mamiani était rentré à Rome en 1846, à la suite de l’amnistie, mais sans avoir signé la demande de pardon et la déclaration de repentir que le saint père avait imposée à tous les exilés. Il s’était borné à promettre au cardinal Ferretti, alors premier ministre, de respecter les lois et de ne pas troubler l’état, et le facile cardinal s’était contenté de cette déclaration, et lui avait même permis de venir à Rome. M. Mamiani avait reconnu avec noblesse cette faveur du gouvernement pontifical. Il avait été, et à Rome et à Pesaro, sa ville natale, et dans d’autres provinces, un des prôneurs les plus ardens du nouveau pontife et un des apôtres les plus intelligens et les plus écoutés de la modération et de la patience ; mais rien, avec tout cela, ne pouvait faire oublier son passé, et, mis en regard de sa situation présente, ce passé faisait un contraste étrange. M. Mamiani avait conspiré presque toute sa vie, pour la bonne cause s’entend, pour la cause de la vraie, de la sage liberté ; mais enfin il avait conspiré, et si c’est toujours une chose délicate pour un pouvoir que de prendre un ancien conspirateur pour ministre, c’en est une bien plus délicate encore que de se voir obligé de le subir. M. Mamiani en outre avait eu le malheur, commun du reste à beaucoup d’écrivains, et qui, d’après ce qui se passe aujourd’hui à Rome, menace de le devenir à presque tous, de voir ses ouvrages condamnés par la congrégation de l’index. Enfin il arrivait au pouvoir par la volonté victorieuse des clubs, dont le 30 avril encore il avait été, près du cardinal Antonelli, l’organe mesuré et conciliant sans doute, mais en même temps très ferme.

Qu’on se figure, sur ce rapide tableau du passé et du présent de M. Mamiani, quelle dut être sa situation comme ministre constitutionnel du saint père dans les circonstances brûlantes qui l’avaient porté aux affaires : — à Rome, d’un côté les clubs en permanence et déjà tout-puissans,