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régime forestier y est donc un intérêt de premier ordre. Si le code de 1827 est venu réagir contre une tolérance abusive qui amoindrissait la valeur du domaine de l’état, on est malheureusement tombé dans l’excès d’une répression trop rigoureuse. Les anciennes concessions dans les forêts avaient appelé une exubérante population sur divers points de l’Alsace. Quand ces concessions ont été retirées, quand des actes jusque-là autorisés ou tolérés sont devenus des délits qu’étaient chargés de constater les élèves de l’école de Nancy, naturellement désireux de se signaler, une masse considérable d’habitans des vallées, atteinte dans ses moyens d’existence, s’est vue privée de ressources qu’elle considérait comme une sorte de propriété imprescriptible, et a été plongée dans une extrême misère. Les facilités qui n’ont pas été interdites ont été soumises à des conditions gênantes et onéreuses, dont plusieurs sans doute sont utiles, mais qu’il ne faut mettre à exécution qu’avec certains tempéramens. De l’application trop rigide du code forestier, il est résulté contre le gouvernement une sorte d’irritation sourde que n’ont pu faire disparaître quelques adoucissemens apportés dans ces derniers temps à l’exécution de la loi. Au 10 décembre 1848 comme au 20 décembre 1851, les habitans du pays allaient au scrutin en se disant : « Nous n’avions pas le code forestier sous l’empire, nous jouissions alors de concessions qui nous seront rendues. » Une récente amnistie pour les délits commis dans les forêts a produit le meilleur effet. Les populations alsaciennes viennent aussi d’obtenir une autre concession vainement sollicitée depuis plus de vingt ans : on a permis d’enlever les feuilles mortes deux jours par semaine au lieu de deux jours par mois seulement. Quelques autres tolérances pourraient apporter un nouveau soulagement dans les chaumières et ramener la paix dans les ames sans compromettre le domaine de l’état.

L’existence des deux cultes, qui se font à peu près équilibre en Alsace, est encore une cause d’où découle une certaine disposition à la défiance et à la lutte. La crainte que le gouvernement ne fasse pencher la balance de l’un ou de l’autre côté plane constamment au-dessus des têtes. La vie habituelle, il est vrai, n’est pas atteinte par les divisions religieuses, mais ces dissidences se retrouvent au fond des idées. Vous n’entendrez jamais en Alsace un même fait, se rattachant de près ou de loin au domaine de la religion, raconté de la même manière et représenté sous le même jour par deux personnes d’un culte différent. Certes, les opinions politiques qui divisent notre pays depuis un demi-siècle se partagent sans acception de culte entre les catholiques et les protestans : c’est ainsi qu’au mois de décembre dernier, les villages des deux religions ont suivi la même ligne. Cependant, en d’autres circonstances, l’opinion religieuse a puissamment agi sur les élections