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menaçaient à toute heure d’emporter le gouvernement. M. Rossi, en toute hâte, rappela de la Suisse, où il était alors, un officier énergique, le général Zucchi, qu’il chargea de la réorganisation de l’armée, et à qui il confia, tant à Rome qu’à Bologne, un certain nombre d’entreprises résolus et sommaires que celui-ci exécuta avec autant de fermeté que d’adresse. En même temps, il fit venir à Rome, malgré les menaces et sous les yeux des clubs criant à la trahison et au coup d’état, deux ou trois cents gendarmes, qu’il déclara publiquement n’avoir mandés près de lui que pour maintenir vigoureusement l’ordre contre quiconque le troublerait.

La presse était affreuse : elle le couvrait de calomnies et d’injures ; elle excitait la population au désordre dans un langage d’une violence et d’une perfidie effroyables. Les rétrogrades criaient au proscrit de 1815 ; les démagogues, au ministre de Louis-Philippe, à l’ami du prince de Metternich et de M. Guizot. M. Rossi, impassible avec ses trois cents gendarmes et quelques compagnies de garde nationale dévouées, réprimait le désordre aussitôt qu’il troublait la rue, et, s’adressant au peuple dans des proclamations simples, franches et fermes, il lui disait fièrement qu’il le trouverait toujours entre le désordre et les lois. Un jour, une rixe éclata entre un Israélite et un catholique ; sourdement animée par la faction rétrograde, la foule prit fait et cause pour le catholique, qui avait été battu, et menaça de mettre le Ghetto à feu et à sang. La gendarmerie et la garde nationale intervinrent, arrêtèrent, sous les cris de fureur des clubs, les principaux meneurs, et le soir l’affiche suivante se lisait dans Rome :

« Une poignée d’hommes égarés, prenant prétexte d’une rixe à la suite de laquelle l’Israélite coupable qui y avait pris part avait été immédiatement arrêté, s’est portée dans le Ghetto et y a commis des actes que nous ne trouvons pas de termes assez sévères pour qualifier. Les violences contre des hommes qui, nés dans notre commune société, ont droit à notre commune protection sont indignes d’un peuple civilisé et généreux. Une nation chez laquelle de telles violences ne seraient pas flétries par tous les gens de bien et réprimées par l’autorité publique serait déshonorée à la face du genre humain. Bien que non compromise encore, à la seule menace de désordres plus graves, la cause de la sécurité publique a aussitôt trouvé, dans le concours volontaire de la garde civique et dans l’intervention des troupes, une aide et des garanties faites pour inspirer, en intimidant les auteurs de sinistres projets, la plus ferme confiance dans le présent et dans l’avenir. Le gouvernement ne laissera impunément outrager ni la civilisation ni les lois, et le peuple romain ne cessera de donner au monde entier le noble exemple de son dévouement à son souverain, de son amour pour cette vraie et honnête liberté qui est inséparable du respect des lois. »

Un tel langage était nouveau à Rome ; jamais la liberté n’y avait été défendue sur un terrain plus brûlant et plus noble, avec une plus généreuse fermeté. M. Rossi, durant ses deux mois de ministère, n’eût