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Mais la principale cause du succès des tories, ce sont les héroïques efforts qui les ont fait renaître en 1846 de la crise où ils semblaient devoir périr. La résurrection du torysme a été la victoire du principe parlementaire de la fidélité des partis, chefs et soldats, à leurs doctrines et à leurs intérêts traditionnels. Seuls alors les tories ont été les défenseurs de ce principe ; ils en recueillent aujourd’hui le fruit. Depuis 1846, il n’y a plus eu en effet de majorité dans la chambre des communes ; mais les tories ont eu sur les tronçons de partis qu’ils avaient en face d’eux l’avantage d’être la fraction la plus nombreuse, et de former un tout homogène et discipliné, marchant du même pas au même but. Les fanfarons du parti libéral n’en sont pas là. C’est une chose curieuse d’énumérer les élémens contradictoires qui ont formé en général la majorité flottante de lord John Russell. Il y a les whigs purs, la coterie des anciens amis de sir Robert Peel, l’école de Manchester, les radicaux et les libéraux irlandais. Ces cinq fractions ne sont en général d’accord que sur le free trade ; l’énumération seule en fait sentir la faiblesse. C’est une coalition ingouvernable comme toutes les coalitions. Ce ne sont que des appoints de majorité. La seule cohésion, la seule unité, la seule base de majorité est dans le parti tory. L’instinct du pays ne s’y trompe pas. Les élections partielles sont, depuis plusieurs années, favorables aux tories. C’est un infaillible symptôme du mouvement des esprits, c’est un signe précurseur des avantages que les tories doivent attendre de la dissolution de la chambre actuelle et des élections qui auront lieu cette année.

Voilà les leçons et les lumières qui se dégagent du volume plein d’intérêt que M. Disraeli vient de publier sur les premières campagnes du nouveau parti tory et sur l’homme qui fut le héros et le martyr de cette grande cause.

Pour M. Disraeli aussi bien que pour son parti, aujourd’hui la scène change, une autre ère s’ouvre : M. Disraeli est ministre de la reine d’Angleterre, chancelier de l’échiquier, leader du nouveau parti du gouvernement dans la chambre des communes. Le rôle est différent ; l’acteur y recueillera-t-il les mêmes succès ? Question pleine d’intérêt, lorsqu’il s’agit de l’avenir d’un homme, d’un écrivain, d’un orateur, d’un chef de parti tel que M. Disraeli !

Les difficultés de sa nouvelle tâche seront assurément considérables. Lord Derby, comme chef du ministère, aura sans doute la principale part dans la responsabilité, dans l’initiative des mesures du gouvernement ; mais lord Derby est membre de la chambre des lords : il n’a pas accès dans la chambre des communes, théâtre des grandes discussions et de la véritable guerre des partis. M. Disraeli portera donc tout le poids de la défense des mesures du gouvernement dans la chambre populaire. Questions financières, commerciales, coloniales, questions intérieures