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années : l’absolutisme ecclésiastique, qui se fût certainement écroulé en 1848 au milieu d’une tempête plus effroyable encore que celle dont l’assassinat de M. Rossi donna le signal, s’il n’était tombé deux années plus tôt devant la généreuse clairvoyance de Pie IX ; la réforme administrative, qui, hardiment conçue, timidement exécutée, s’est perdue au sein d’un bouleversement politique ; le régime constitutionnel, qui, venu trop tôt, n’était pas viable ; le radicalisme enfin, qui, n’ayant pour lui aucune raison ni morale, ni politique, ni nationale d’exister, avait pu se produire par violence et surprise, mais était incapable de durer. Si tous ces systèmes ont péri, méritaient-ils également le triste sort qu’ils ont partagé ? Pie IX devait-il aussi nécessairement échouer dans son œuvre que Grégoire XVI s’était usé dans la sienne, et M. Rossi était-il irrémédiablement condamné par le destin à voir les nobles principes qu’il représentait se briser contre la violence des choses, comme M. Mazzini l’était à voir ses folies échouer devant leur sagesse ? Considérons d’abord les deux régimes extrêmes ; nous examinerons ensuite les deux politiques de juste-milieu.

Si, lorsque Grégoire XVI mourut, il n’y avait purement et simplement qu’à continuer la politique qu’il avait pratiquée quinze ans, aussi attentif aux besoins spirituels de l’église qu’indifférent aux souffrances temporelles de son peuple, la conséquence, c’est que Pie IX ne fut rien qu’un novateur téméraire, c’est qu’il manqua à tous ses devoirs de pontife et de souverain en écoutant les gémissemens de ses sujets, les plaintes de son siècle, les représentations de toutes les puissances chrétiennes, la voix de l’humanité et de la raison. On nous permettra de ne point discuter une pareille thèse. Nous ignorons et nous nous perdons à concevoir quel avantage il peut revenir, tant à la religion qu’à la politique de conservation sociale qui réunit tous les cabinets de l’Occident, à ce que les États de l’Église comptent parmi les plus mal administrés, et les populations qui les habitent, parmi les moins heureuses du globe, et nous persistons à penser, quelques graves événemens qui s’en soient suivis, que ce sera à jamais la gloire de Pie IX d’avoir vu, à peine monté sur le trône, qu’à rester stationnaire au sein du mouvement universel, et barbare au milieu des lumières générales, le gouvernement temporel des États de l’Église ne pouvait que tomber dans un discrédit fatal aux intérêts de la religion même. La réforme qu’il tenta alors a échoué, il est vrai ; mais l’histoire montre assez que ce n’est pas parce qu’elle était prématurée ou inutile, mais parce qu’il ne se rencontra auprès du saint pontife personne pour la réaliser. Penser aujourd’hui après tout ce qui s’est passé depuis 1846, après l’amnistie, après les promesses cent fois répétées de 1847, après la charte de 1848, après le cardinal Gizzi et après M. Rossi, à restaurer purement et simplement le régime administratif de Grégoire XVI,