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nous sommes très embarrassé de cette objection. Les événemens, en effet, lui ont malheureusement donné un grand fondement, et nous ne connaissons qu’une bouche au monde d’où puisse tomber la réponse seule capable de la confondre : c’est la bouche de Pie IX.

La réforme, et la nécessité de la réaliser aussi promptement que possible, ressortent donc, on le voit, comme une conclusion sort d’un syllogisme, un théorème d’un raisonnement de géométrie, de l’histoire de tous les événemens, de tous les voeux, de toutes les fautes, de toutes les souffrances du gouvernement, du peuple et des partis des États de l’Église pendant les trente dernières années. Est-ce trop demander aujourd’hui-, après tant de déceptions et de traverses, que de conseiller au gouvernement du saint-siège de recommencer une épreuve qui lui a une première fois si malheureusement réussi ? J’examine l’affaire à tous les points de vue, et, plus je l’examine, plus je me persuade que si la réforme de l’administration des États Romains est devenue une inévitable nécessité, cette nécessité est en même temps des plus heureuses.

Au point de vue moral, le premier apparemment que l’on doive envisager en délibérant des intérêts du saint-siège, la question, ce semble, ne peut guère être incertaine. « La religion chrétienne, dit Montesquieu, qui ordonne aux hommes de s’aimer, veut sans doute que chaque peuple ait les meilleures lois politiques et les meilleures lois civiles, puisqu’elles sont après elle le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir. » Par quel monstrueux privilège le peuple des États de l’Église, le peuple le plus rapproché du centre de la religion, le peuple qui devrait être comme l’Israël du christianisme, a-t-il les pires lois et les pires coutumes d’administration du monde civilisé ? Il y a là une contradiction qui soulève la morale universelle. Quelles conséquences ne résulterait-il pas du maintien d’un pareil état de choses, s’il devait durer, pour l’autorité non-seulement de la cour de Rome en tant que puissance politique, mais encore en tant que puissance religieuse ! J’ai déjà touché une fois à ce thème délicat, je me borne à le remettre ici sous les yeux du lecteur : son jugement fera aisément le reste.

Et, au point de vue politique proprement dit, on ne voit point quel empêchement digne d’arrêter une âme ferme et un esprit éclairé s’oppose, à l’heure où nous traçons ces lignes, à la réalisation de la réforme. Jamais peut-être l’occasion ne fut plus favorable. Les États de l’Église subissent l’occupation étrangère : c’est un malheur pour tout le monde, mais encore cette occupation a-t-elle un avantage dont le gouvernement du saint-siège peut, s’il veut, tirer le plus brillant parti. Les troupes françaises et autrichiennes maintiennent l’ordre dans les États Romains ; tant qu’elles y sont, il n’y a nulle crainte à concevoir des entreprises de la démagogie. Le saint père aujourd’hui peut donc,