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qui distinguent ce ministère ; il est composé d’hommes distingués, bien que relativement obscurs, et l’élément aristocratique n’y est pas trop prédominant pour un ministère de pure opinion aristocratique.

Lord Derby, avons-nous dit, a exposé son programme à la chambre des lords. Il a donné l’assurance qu’il continuerait, comme ses prédécesseurs, la politique extérieure la plus favorable au maintien de la paix, et qu’il s’engageait à surveiller plus activement les réfugiés politiques et à faire ainsi droit aux réclamations des puissances continentales. C’est là pour ainsi dire la partie européenne de son programme. Nous avons besoin de cette assurance à ce moment, plus que jamais. Le maintien de la paix, la solution pacifique des difficultés politiques qui se sont élevées depuis 1848, voilà quels doivent être dans tout état faible ou puissant le vœu de tous les amis sincères de la liberté, le souhait et la tâche ambitionnés de tous, et c’est pourquoi nous applaudissons aux paroles de paix qui partent de la tribune anglaise, comme aux paroles pleines de prévoyance et de sagesse qui nous sont récemment venues du Piémont. Quant à la partie du programme qui regarde la politique intérieure, elle porte, comme on devait s’y attendre, sur la question du libre échange et de la protection. Le comte de Derby y annonce formellement que l’intention du ministère est de frapper d’un droit fixe tous les objets d’importation ; mais, avant de prendre une telle mesure, il reconnaît la nécessité de consulter le pays et de se soumettre à son jugement. Si, comme le prétendent les tories, l’Angleterre est lasse du libre échange, elle aura, dans les élections prochaines, l’occasion de se prononcer contre les réformes de Robert Peel et de frapper à mort l’école de Manchester. Jusque-là, nous suspendrons notre jugement en nous bornant à faire remarquer que la résurrection de la fameuse ligue s’est opérée le lendemain du jour où le ministère a été formé.

Depuis le rétablissement officiel et légal de l’ancienne diète germanique, les questions de prépondérance ont pris en Allemagne un caractère entièrement pacifique, sans cesser pourtant d’agiter sourdement les esprits. L’antagonisme traditionnel de la Prusse et de l’Autriche est inhérent à la constitution fédérale, et s’il ne se présente plus aujourd’hui sous l’aspect d’une grande hostilité, politique, on le reconnaît encore dans le débat soulevé par le système commercial que l’Autriche essaie d’opposer au Zollverein prussien. L’union prussienne expire avec l’année 1853. Dans l’état de division où les tentatives infructueuses de réorganisation fédérale ont jeté l’Allemagne, en présence de l’animosité et des défiances créées par la politique prussienne, il n’est point impossible que le renouvellement du Zollverein rencontre quelques difficultés. Dans tous les, cas, l’Autriche a pensé que le moment était propice pour proposer à la confédération austro-allemande un plan d’union douanière dont les perspectives sont incontestablement grandioses. On saisit facilement la pensée politique cachée sous ces propositions : c’est la même pensée qui a inspiré au prince Schwarzenberg son projet d’incorporation des provinces non allemandes de l’Autriche dans l’Allemagne. Plus cette intention se révèle d’elle-même, plus le cabinet de Vienne s’étudie à la voiler dans le congrès douanier dont il a pris l’initiative. Là, au milieu des représentans des petits états qui l’ont si bien servi dans sa querelle avec la Prusse en 1850, il professe qu’il ne veut point la dissolution du Zollverein prussien, qu’il ne désire présentement que la conclusion