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Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/1011

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romaine, qui forçait alors Pie IX de quitter sous un déguisement une ville souillée du sang de Rossi, c’est la présence de l’armée française à Rome.

Maintenant, un mot encore sur la Belgique. Le cabinet de Bruxelles, à ce qu’il semble, a des défenseurs qui ne sauraient comprendre, probablement parce qu’ils sont peu accoutumés à ce genre d’appréciations, qu’on puisse juger l’état de leur pays par des considérations toutes politiques, toutes morales. La pire des choses en pareil cas, c’est d’imaginer causer quelque embarras par des interprétations oiseuses et d’y réussir si peu. Qu’y a-t-il de surprenant, d’ailleurs, que les défenseurs ordinaires du ministère actuel de la Belgique ne se rendent pas toujours très bien compte de tout ce qui se fait autour d’eux ? Ils sont trop visiblement occupés de la France ; ils vivent de nos rumeurs ; ils ont des Grimm attitrés de toute sorte pour leur faire la petite gazette de Paris, si bien qu’il ne leur reste plus d’attention pour voir que la Belgique elle-même ne les suit plus ; et si quelqu’un leur signale ce mouvement, ils vous répondent : réimpression ! exactement comme on reprocherait leurs dépouilles aux gens qu’on aurait dépouillés. Il faut bien cependant qu’on le sache, nous n’avons point tout dit sur le cabinet belge ; il nous serait facile d’ajouter plus d’un trait, la réimpression elle-même pourrait nous en offrir. Ce n’est point que de toute manière nous ayons beaucoup de doutes sur le sort de la triste industrie qu’on fait intervenir ici. En ce moment même, voici un nouveau traité contre ce genre de trafic qui vient d’être signé le 29 mai entre la France et la Hollande. M. Rogier lui-même n’a point peut-être pour la précieuse industrie le farouche amour qu’on suppose. Il ne s’en soucierait point autrement, si la réimpression ne présidait en même temps les associations libérales ; espèce de Janus politique et commercial qui crie d’un côté : Sauvons la précieuse industrie ! et de l’autre fait des manifestes contre les cléricaux, qui veulent le rétablissement des castes et la résurrection des privilèges. M. Rogier ménage la contrefaçon pour avoir les associations libérales. Après tout, associations libérales, contrefaçon, — ne serait-on point tenté de dire que c’est tout un ? Est-ce que les clubs belges ne sont point encore une contrefaçon de nos clubs ? Est-ce qu’ils ne reproduisent pas le langage, les déclamations, les idées creuses du plus mauvais libéralisme français ? Le roi Louis-Philippe, qui n’était point, que nous sachions, un absolutiste, écrivait au roi Léopold en 1846, au moment du plus grand essor de ces associations, qu’elles lui rappelaient la commune de Paris en 1792. M. de Gerlache reproduisait récemment cette lettre, comme un des plus irrécusables témoignages, dans une brochure sur le Mouvement des partis en Belgique. Il est vrai qu’il y a beaucoup d’autres choses excessives dans l’essai de l’honorable magistrat belge ; mais que peut prouver cela, si ce n’est qu’en Belgique, ainsi que partout, il y a des catholiques comme M. de Gerlache, de même qu’il y en a comme M. de Docker, dont nous citions l’autre jour l’opinion modérée et patriotique ? Ce sont là, à vrai dire, les catholiques les plus dangereux pour le cabinet de Bruxelles, parce qu’ils représentent plus fidèlement la masse des opinions nationales. Si le ministère belge succombe dans la lutte aujourd’hui ouverte, il aura succombé devant le souvenir évoqué contre lui des tendances de conciliation politique qui ont présidé à la fondation de l’indépendance de la Belgique, et auxquelles il semble tristement préférer les conseils d’un libéralisme passionné et exclusif. C’est ce que peuvent bientôt nous dire les élections