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ont ainsi fait en commun plusieurs pièces : l’Aveugle de Smyrne, la Comédie des Tuileries, etc. Cela n’empêchait pas qu’il n’y eût auprès de son éminence d’autres poètes encore, George Scudéry, Voiture lui-même, qui faisait la cour à Richelieu et célébrait la duchesse d’Aiguillon. C’est à Ruel que, rencontrant dans une allée la reine Anne et interpellé par elle de lui faire quelques vers à l’instant même, Voiture improvisa cette petite pièce, remarquable surtout par la facilité et l’audace, où il ne craignit pas de lui parler de Buckingham. Mais les deux favoris du cardinal étaient Desmarets et Bois-Robert : il les avait mis dans les affaires, et employait leur plume en toute occasion, dans le genre léger comme dans le genre sérieux. Il parait que Desmarets avait été chargé de faire les honneurs poétiques de Ruel à Mme la Princesse et à sa fille. On trouve en effet dans le recueil, aujourd’hui assez rare et fort peu lu, des œuvres du conseiller du roi et contrôleur des guerres Desmarets, dédiées à Richelieu et imprimées avec luxe[1], une foule de vers assez agréables qui se chantaient dans les ballets mythologiques de Ruel, et dont plusieurs sont adressés à Mlle de Bourbon et à Mme la Princesse. Dans une Mascarade des Graces et des Amours s’adressant à Mme la duchesse d’Aiguillon en présence de Mme la Princesse et de Mlle de Bourbon, les Graces disent à celle-ci :

Merveilleuse beauté, race de tant de rois,
Princesse, dont l’esclat fait honte aux immortelles,
Nous ne pensions estre que trois,
Et nous trouvons en vous mille graces nouvelles.

Ce ne sont là que des fadeurs banales, tandis que les deux petites pièces suivantes ont au moins l’avantage de décrire la personne de Mlle de Bourbon telle qu’elle était alors, avant son mariage, quelques années après le portrait de Ducayer. On y voit Mlle de Bourbon commençant à tenir les promesses de son adolescence, et l’angélique visage, que nous a montré rapidement[2] Mme de Motteville, déjà accompagné des autres attraits de la véritable beauté :


POUR MADEMOISELLE DE BOURBON

Jeune beauté, merveille incomparable,
Gloire de la cour,
Dont le beau teint et la grace adorable
Donnent tant d’amour,
Ah ! quel espoir de captiver, ton ame,
Puisque la flamine
Des plus grands dieux
Ne peut pas mériter un seul trait de ses yeux ! etc.

  1. Paris, in-4o, 1641.
  2. Voyez le précédent article, p. 639-640.