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d’habitude. Parviendra-t-on à recouvrer l’arriéré, quand il est déjà si difficile de réaliser le produit annuel ? Ne s’expose-t-on pas à déprécier encore la marchandise en augmentant les quantités offertes ?

L’année dernière, les impôts et revenus indirects, qui étaient entrés pour 763 millions dans les évaluations du budget provisoire, n’en ont procuré que 744 : de là un déchet de 19 millions, déjà noyé dans les abîmes de la dette flottante. Cet affaiblissement du revenu est généralement attribué aux commotions des derniers mois de 1851. Cette cause n’est pas la seule. Il en est une autre, que les financiers ne doivent pas perdre de vue : c’est l’insuffisance des impôts nouveaux (additions aux droits d’enregistrement et de timbre votées en 1850). On en attendait 52 millions ; ils ont donné beaucoup moins. Négligeant cette dernière circonstance, M. le ministre pense que les contributions indirectes, augmentées par la surtaxe des sels et des boissons, produiront en 1852 une recette de 781,361,000 francs, et il paraît même compter sur une somme plus forte encore pour faire face aux dépenses imprévues, résultat peu probable assurément. Le mécompte de 1851, qui tient en grande partie, nous le répétons, à l’improductivité des impôts nouveaux, est indépendant de la reprise des affaires commerciales.

Imbus des traditions anglaises, nos hommes d’état sont trop portés à croire que la sécurité politique, que la prospérité plus ou moins grande du commerce déterminent le niveau des contributions indirectes. Il en peut être ainsi en Angleterre, où les taxes indirectes, provenant surtout de la douane, sont sans cesse modifiées dans un sens favorable à l’activité nationale. Chez nous, c’est autre chose. Remaniées ordinairement dans des vues de monopole industriel, les branches du revenu public sont sans aucune élasticité. Quelles sont donc celles de nos taxes indirectes qui auraient chance de s’épanouir ? La plus lourde de toutes, l’enregistrement, taxe à peu près inconnue en Angleterre, n’est jamais plus productive que dans les mauvaises années, parce qu’elle résulte surtout des mauvaises affaires[1]. Elle a atteint son maximum infranchissable en 1847, année désolée à la fois par une disette et une crise commerciale. Ce n’est donc pas sur le bien-être public qu’il faut compter pour féconder les droits d’enregistrement ; le crédit foncier est destiné d’ailleurs à les diminuer, et ce ne sera pas là son moindre bienfait. La disparition d’un grand nombre de journaux va réduire les droits du timbre. Les tabacs ont été tellement productifs en ces derniers temps, qu’il n’y a pas un grand progrès à espérer.

  1. Cette observation n’est pourtant pas applicable à une année tout exceptionnelle comme 1848. Lorsque la commotion a été assez forte pour suspendre toutes les affaires, les mauvaises comme les bonnes, lorsqu’il ne se fait plus même d’emprunts ni d’expropriations forcées, il y a baisse sur les produits de l’enregistrement.