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et les prodiges ne firent pas défaut à un si grand événement que la mort d’Attila. On raconta que, la nuit même de la catastrophe, l’empereur Marcien avait vu en rêve un arc brisé : cet arc, c’était la puissance des Huns.

En effet, la puissance des Huns fut brisée avec la vie d’Attila. La succession de ce conquérant, qui avait fondé en peu d’années un empire au moins égal à l’empire d’Alexandre, ressembla à celle du Macédonien.

J’ai dit, en répétant le mot de Jornandès, que les fils d’Attila, nés, en divers lieux, de mères différentes et à peu près étrangers les uns aux autres, formaient presque un peuple ; la tradition en compte plus de cinquante, et l’histoire en nomme sept arrivés à l’âge d’homme : Ellakh, Denghizikh, Emnedzar, Uzindur, Uto, Iscalm et Hernakh, le plus jeune de tous et l’enfant de prédilection. Ellakh, l’aîné de ceux qu’il avait eus de son épouse favorite Kerka, était seul capable de maintenir les conquêtes de son père. Attila le pensait, et plusieurs fois il avait désigné Ellakh comme devant être son successeur et le chef futur de la famille ; mais les autres fils n’y consentirent point. Leur père était à peine au cercueil, que leurs rivalités éclatèrent avec violence Ellakh dut se résigner à faire entre eux tous un partage égal de l’empire. Chez les peuples sédentaires, les partages de conquêtes, si orageux qu’ils soient toujours, offrent pourtant de bien moindres difficultés que chez les peuples nomades. Chez les premiers, la terre offre des limites certaines : un fleuve, une montagne trace la frontière naturelle de deux provinces ; chez les seconds, la terre est l’élément incertain ; la province, c’est la horde avec ses guerriers, ses femmes, ses troupeaux et ses habitations mobiles : le gouvernement des hommes s’y règle par tête comme un lot de bétail. Ce procédé, conforme aux mœurs de l’Asie septentrionale, n’avait rien de blessant pour les vassaux asiatiques ou demi-asiatiques des Huns ; mais il révolta l’orgueil des Germains, qui consentaient à être sous les rois huns des sujets et non pas des choses. Alors arriva la seconde phase de dissolution qui menaçait l’empire d’Attila.

Ce fut le roi des Gépides, Ardaric, ce sage et fidèle conseiller du conquérant, qui donna le signal de l’insurrection contre ses fils. « Indigné de voir traiter tant de braves nations comme des bandes d’esclaves, » dit Jornandès, il fit appel aux enfans de la Germanie pour reconquérir leur liberté ; les Ostrogoths y répondirent et probablement aussi les Hérules et les Suèves ; le reste, avec les tribus sarmates et les Alains, se rangea du côté des Huns. Comme si la rive gauche du Danube n’eût pu leur offrir un champ de bataille suffisant, ils passèrent en Pannonie. Ce fut pour les Romains un spectacle terrible que de voir tous ces peuples animés à leur perte : Huns blancs et Huns noirs,