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Les cours d’eau qui arrosent l’Arménie constituent trois systèmes principaux représentés par le Lycus ou Kaïl et l’Acampsis ou Djorokh à l’ouest, par l’Euphrate et le Tigre au sud, par le Cyrus et l’Araxe à l’est. Ces trois systèmes ont pour ligne de partage la chaîne de montagnes qui se détache du Caucase vers le sud-ouest et va se souder à l’Anti-Taurus, qui la continue en coupant obliquement l’Asie Mineure. Le premier est celui du versant de la Mer-Noire ; par le Lycus et l’Acampsis, qui portent à cette mer le tribut de leurs eaux, il ouvrait une voie de communication avec les contrées d’Occident. Toutefois ces relations étaient encore plus actives sur le Phase, quoique ce fleuve, descendant du Caucase, coule plus au nord et tout entier dans la Colchide, en dehors des limites de l’Arménie. Depuis une époque qui se perd dans la nuit des âges mythologiques, les Grecs fréquentèrent ces côtes, célèbres par l’expédition des Argonautes, et ils y fondèrent des comptoirs dont les plus importans furent Dioscurias et Trapezus (Trébisonde). Ils venaient s’y approvisionner des productions de l’Arménie, l’or, le blé, le sel, le lin, le miel, la cire, etc. Tout prouve que le contact des deux peuples se bornait alors à de simples rapports de commerce, et ce n’est que lorsque les limites de l’empire byzantin et de l’Arménie se touchèrent dans l’Asie Mineure que ce dernier pays commença à subir profondément l’influence des idées occidentales.

Le Tigre et l’Euphrate, qui prennent leur source, le premier non loin d’Erzeroum, et le second beaucoup plus bas, dans les montagnes des Kurdes, en se dirigeant du haut du massif arménien vers le sud, lui servaient de liaison avec les pays habités par les peuples de race sémitique. Hérodote nous a laissé une description pittoresque de la navigation de l’Euphrate dans la partie de son cours qui est au-dessus de Babylone. Montés sur de légères embarcations, construites partie en bois de saule et partie avec des peaux, les Arméniens transportaient dans cette ville du vin de palmier et autres marchandises.

Par ses deux fleuves, dont le cours va de l’ouest à l’est, le Cyrus et l’Araxe, l’Arménie s’ouvre tout entière vers le monde oriental. Le Cyrus, qui lui sert de limite du côté de la Géorgie, donnait accès dans la Mer Caspienne à son commerce, arrêté sur l’Araxe par les rapides qui barrent le cours inférieur de ce fleuve. Les produits de l’Inde, arrivés dans cette mer par l’Oxus, remontaient le Cyrus, puis étaient transportés sur des chariots jusqu’à une forteresse appelée Sarapana par Strabon[1] ; là ils étaient chargés sur le Phase, par lequel ils descendaient dans la Mer Noire et se répandaient dans les pays d’Occident. L’Araxe traverse l’Arménie dans toute sa longueur, depuis sa

  1. Géographie, liv. XI, p. 498, éd. Casaubon et Indjidji, Archéologie arménienne, 3 vol. in-4o ; Venise, 1835 (en arménien), t. 1, p. 211.