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Une partie des descendans de Haïg resta dans les lieux où s’était arrêté leur père, tandis qu’Arménag, son petit-fils et son successeur, poursuivant sa marche vers le nord-est, alla s’établir dans la vallée de l’Araxe, et le fils de ce dernier bâtit sur les bords de ce fleuve la ville d’Armavir, qui devint la résidence des princes de la dynastie de Haïg. Si l’on remarque que leurs premiers établissemens touchaient au territoire même de Ninive, on ne s’étonnera point de voir l’Arménie, dans cette période reculée, presque toujours sous la dépendance des Assyriens et ayant une religion qui était la même ou du moins analogue. Ce dernier fait, qui est si curieux, a sa preuve dans une des légendes relatives à Sémiramis (Schamiram ), que nous a conservée Moïse de Khorène, et qui rappelle un mythe assyrien qui se perpétua fort tard parmi les Arméniens. Leurs traditions nous peignent cette reine célèbre avec le caractère viril et les penchans voluptueux que lui prétend Hérodote et les autres historiens grecs, mais avec une teinte romanesque qui est très certainement un reflet des poésies populaires qui célébraient ses grandes actions et ses conquêtes. L’Arménie devint une province de son empire et son séjour favori. « Elle s’éprit, dit Moïse de Khorène, de la beauté des sites, de la pureté de l’air, de la limpidité des sources, du spectacle des fleuves majestueux qui roulent leurs ondes avec un doux murmure à travers des vallons et des plaines fleuris. » Elle y bâtit une ville pour en faire sa résidence d’été, Schamiramaguerd, sur la rive orientale du lac de Van, et y éleva de splendides constructions qui rivalisaient avec celles dont elle dota Babylone. L’écrivain arménien vante la chaussée qui reliait le fleuve et la ville, et qui était en pierres énormes si bien liées, que l’on aurait dit un bloc coulé d’un seul jet ; les chapelles, les chambres et les corridors creusés dans un roc si dur, que « l’acier, dit-il, est impuissant maintenant à le rayer, » et enfin les immenses inscriptions tracées sur la surface polie de la pierre, comme avec un style sur une tablette enduite de cire. Les investigations du savant et infortuné Schulz, qui visita ces lieux en 1827 et 1828, confirment la vérité de cette description et l’exactitude de l’assertion des Arméniens modernes, qui identifient Van avec Schamiramaguerd ou la cité de Sémiramis.

À partir du règne de cette princesse, les rois d’Arménie ne furent plus, à vrai dire, que de simples préfets aux ordres des monarques assyriens, et cet état de subordination dura jusqu’au jour où l’un de ces préfets, Barouïr, fils de Sgaïorti (fils de géant), s’associa à la ligue formée par Arbace (Varbag), gouverneur de la Médie, que Moïse de Khorène nous représente comme un fin politique et un vaillant guerrier, par le Babylonien Bélésis et plusieurs autres chefs. Barouïr marcha avec eux contre Sardanapale. L’empire assyrien ayant pris fin par la mort de ce prince, le monarque arménien, à l’exemple des autres