Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait pour nom Zohak, ou - en pehlwy, un des deux idiomes de l’ancienne Perse, — Piourasb, c’est-à-dire l’homme aux dix mille chevaux, car il possédait dix mille coursiers arabes aux brides d’or, dont le renom était grand. Iblis, autrement Ahriman, lui apparut sous la figure d’un homme de bien, et, par ses artifices, l’engagea à consentir à la mort de son père. Le génie du mal creusa sous les pas du vieillard une fosse où il se brisa en tombant. Une seconde fois il se montra à ce fils coupable sous la figure d’un cuisinier. Ayant su flatter sa sensualité par des mets nouveaux et appétissans et capter sa bienveillance, il lui demanda comme un honneur suprême la faveur de déposer un baiser sur ses épaules. Le contact des lèvres d’Ahriman en fit sortir deux serpens ou dragons noirs. Zohak, consterné et en proie à d’affreuses douleurs, les fit couper ; mais ils repoussèrent aussitôt comme une branche d’arbre. Ahriman revint encore, cette fois sous les traits d’un médecin, et déclara à Zohak que rien ne détruirait son mal tant que les deux reptiles auraient en eux une étincelle de vie, mais qu’il pourrait l’adoucir en les nourrissant de cervelles humaines. Cependant Djemschid, qui s’était aliéné le cœur des grands du royaume, avait perdu sa couronne ; ce n’était partout que discordes et combats. Voulant y mettre un terme, les guerriers de la Perse se rendirent dans le pays des Arabes ; ils avaient entendu dire que là se trouvait un homme inspirant la terreur, à face de serpent. Ils lui rendirent hommage comme à leur maître et lui décernèrent le titre de souverain de l’Iran. Zohak, monté sur le trône, l’occupa pendant mille ans. Chaque nuit, deux jeunes gens, tantôt d’humble naissance, tantôt de noble origine, étaient amenés au palais et immolés ; leur cervelle, préparée par le cuisinier royal, servait à assouvir la faim chaque jour renaissante des deux monstres. Tandis que l’impur Zohak se livrait à tous les excès de la plus abominable tyrannie, un enfant qui avait pour aïeux les anciens maîtres de la Perse, Féridoun, vit le jour ; sa nourrice fut la vache Purmaïeh (la belle), la plus merveilleuse de toutes les vaches. En vain Zohak, à qui le mobed Zirek avait annoncé qu’il succomberait un jour sous la massue d’acier à tête de bœuf de Féridoun, le chercha en tous lieux pour le faire périr. La mère de l’enfant, la prudente Firanek, réussit à le mettre en sûreté en l’emportant dans l’Hindoustan sur le mont Elborz. Lorsque deux fois huit ans eurent passé sur lui et qu’il fut devenu grand comme un haut cyprès, il descendit de sa retraite dans la plaine pour aller renverser le tyran. Un secours inespéré lui vint d’un homme du peuple, forgeron par état et nommé Kaweh. Cet homme comptait autrefois dix-sept fils ; seize lui avaient été arrachés et, comme beaucoup d’autres, sacrifiés aux odieuses prescriptions conseillées à Zohak par Ahriman. Le dernier lui fut aussi ravi. Kaweh alla le réclamer, et le roi, dominé par un pouvoir surnaturel qui n’était autre chose que le sentiment de la réprobation générale